Ça y est, la loi « Reconstruction » du 25 juillet 2023 est pleinement applicable, grâce à la publication de deux ordonnances, l’une tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, et l’autre visant à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection de ces mêmes bâtiments.
Ces dégradations sont intervenues lors des émeutes urbaines survenues après la mort du jeune Nahel lors d’un contrôle de police. Entre le 27 juin et le 5 juillet derniers, d’après le gouvernement, ces violences ont conduit à de nombreux dégâts sur le bâti, public et privé, dont des services publics et commerces, dans les quelques cinq cents communes qui ont été touchées. Le bilan fait en Conseil des ministres du 13 septembre précise que « selon le dernier recensement connu, soixante-huit bâtiments ont été entièrement détruits, quatre cent cinquante ont été partiellement détruits et plus de deux mille dégradés. Le coût estimé par les assureurs s’élève à 730 M €, dont presque 30 % concerne le patrimoine des collectivités ».
Reconstruction à l’identique
L’objectif de la première ordonnance est d’accorder des dérogations aux règles de délivrance des autorisations d’urbanisme, dans le but de favoriser la reconstruction des bâtiments à l’identique ou avec des améliorations justifiées ou des adaptations limitées.
Ainsi, le commencement des travaux préliminaires (terrassements, fondations, etc.) sera possible dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme. Cela signifie que le maire devra procéder, dans les meilleurs délais et pendant toute la durée de l’instruction, à l’affichage en mairie (ou à la publication par voie électronique sur le site internet de la commune) d’un avis de dépôt de demande de permis ou de déclaration préalable précisant les caractéristiques essentielles du projet. Le récépissé de dépôt de la demande devra être affiché sans délai sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins du demandeur. En revanche, le constructeur devra solliciter et obtenir les autorisations requises par les autres législations, auxquelles il n’est pas dérogé, notamment en matière d’occupation du domaine public et de la voirie publique.
La reconstruction ou la réfection à l’identique de ces bâtiments peut être réalisée même si une disposition d’urbanisme, le plan local d’urbanisme ou la carte communale s’y oppose. Mais ces travaux peuvent comporter des adaptations de la construction initiale, dans la limite d’une diminution ou d’une augmentation de 5 % de son gabarit initial. Si elle est justifiée par un objectif d’amélioration de la performance énergétique, d’accessibilité ou de sécurité, cette diminution ou cette augmentation peut dépasser 5 % du gabarit initial, à proportion des modifications du bâtiment nécessaires à la réalisation du ou des objectifs invoqués. Cependant, la destination ou la sous-destination initiale du bâtiment ne pourront pas être modifiées.
Les délais d’instruction sont modifiés aussi : pour les permis de construire, d’aménager ou de démolir, ils sont limités à un mois. Pour les déclarations préalables, ce sera quinze jours. Quand la délivrance de l’autorisation d’urbanisme est subordonnée au recueil préalable de l’avis, de l’accord ou de l’autorisation d’un organisme ou d’une autorité administrative, l’autorité compétente lui transmet un exemplaire du dossier, dans les cinq jours suivant sa réception. Les majorations ou prolongations du délai d’instruction de la demande d’urbanisme découlant de l’application de règles de délivrance prévues par d’autres législations que celle de l’urbanisme sont limitées à quinze jours à compter de la réception du dossier par l’organisme ou l’autorité administrative concernés.
L’ordonnance permet aussi, lorsque la réalisation des travaux requiert l’accomplissement préalable d’une procédure de participation du public, à l’autorité compétente de recourir à une procédure de participation du public par voie électronique en lieu et place d’une enquête publique.
Attention, la demande d’autorisation d’urbanisme doit préciser que le projet est soumis au régime dérogatoire prévu par cette ordonnance et, le cas échéant, contenir une motivation spécifique des adaptations de la construction initiale envisagées. De même, cette ordonnance ne s’applique qu’aux demandes d’autorisations d’urbanisme déposées dans les dix-huit mois à compter de son entrée en vigueur.
Accélérer le financement
La seconde ordonnance permet d’accélérer les attributions du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) en instaurant une dérogation au régime de versement des attributions de FCTVA. En effet, le régime de droit commun conduit à attribuer les droits au FCTVA deux ans après l’exécution des dépenses éligibles. Pour les dépenses liées à la réparation des dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction de l’été dernier, l’ordonnance prévoit une attribution systématique, et pour tous les bénéficiaires, de FCTVA l’année d’exécution de ces dépenses.
Cette ordonnance adapte aussi le cadre applicable aux subventions versées aux collectivités territoriales et à leurs groupements, et qui sont plafonnées en application de l’article L. 1111-10 du CGCT. En principe, sauf dérogation expresse prévue par la loi, toute collectivité territoriale ou groupement, maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, doit assurer une participation minimale au financement de ce projet fixée à 20 % du montant total des financements apportés par les personnes publiques à ce projet, explique le gouvernement. Pour accélérer la réparation des dommages, cette obligation de participation minimale du maître d’ouvrage ne sera pas applicable au financement des projets de reconstructions. Ces derniers pourront donc, le cas échéant, bénéficier de subventions allant jusqu’à 100% du coût des travaux.
Enfin, est prévue une dérogation au plafonnement des fonds de concours qui peuvent être versés entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et leurs communes. D’habitude, le montant total de ces fonds de concours, destinés au financement d’un équipement ou de son fonctionnement, ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours. L’ordonnance supprime exceptionnellement cette limite pour laisser la possibilité de mobiliser les ressources disponibles et d’accélérer la réparation des dommages causés aux biens des collectivités.
Références
Domaines juridiques