T’as plus aimé Cahors, et on… n’a pas quitté Cahors. Le pacte de confiance proposé dans le projet de loi de programmation des finances publiques par le gouvernement peut rappeler la chanson de Brel mais n’en a pas l’apparence.
Il instaure sans aucun flonflon une maîtrise de la trajectoire des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) de toutes les collectivités au niveau de l’inflation moins 0,5 %. Toutefois, contrairement aux contrats de Cahors qui instauraient une responsabilité par collectivité, les pactes de confiance optent cette fois pour la responsabilité partagée avec les autres collectivités de la même catégorie.
L’article 23 instaure en effet des contraintes aux 500 plus grandes collectivités, mais toutes les autres jouent le rôle de caution solidaire de celles qui n’auraient pas respecté leurs engagements. Les collectivités les plus « fourmi » peuvent en effet « amortir » les éventuels dépassements d’autres plus « cigales » sans que ces dernières en subissent les conséquences. A priori, cette solidarité catégorielle pourrait faciliter la réalisation de l’objectif fixé et rendrait les pactes de confiance plus soutenables que les contrats de Cahors. Certaines associations d’élus comme Intercommunalités de France par exemple s’en félicitent.
Un pacte qui reprend les sanctions des contrats
Si l’air de Brel revient en tête à la lecture de la loi de programmation, c’est aussi à cause de son article 23. Il édicte non seulement la mise en œuvre de ce pacte dans une superposition de loi, décrets et arrêtés qui appellent probablement à un examen juridique plus poussé, mais précise aussi les mesures d’accompagnement et de sanctions pour les collectivités hors des clous et qui n’ont pas eu la chance d’être « couvertes » par leurs homologues plus économes. Et là, stupeur et tremblements, revoilà apparaitre les contrats de Cahors !
Mêmes critères rachitiques de modulations de l’évolution des dépenses qui ne tiennent pas suffisamment compte des dynamiques territoriales des recettes et des dépenses mais aussi des mesures de l’Etat, notamment la hausse du point d’indice. Même reprise financière à 100 % des dépassements pour les récalcitrants qui ne souhaitent pas faire d’efforts de correction de trajectoire. Même limitation du périmètre aux seuls budgets principaux… L’esprit de Cahors est bien toujours présent dans le pacte de confiance. Mais son fantôme revient hanter les comptes locaux « en pire » se désolent nombre d’élus et territoriaux financiers.
Durcissement de certaines dispositions
Les collectivités sont plus nombreuses à être impliquées dans un dispositif contraignant qu’avec les contrats de Cahors. Le pacte de confiance concerne les 500 collectivités ayant des DRF supérieures à 40 M€ contre 321 avec plus de 60 M€ de DRF précédemment.
Le pacte instaure aussi une baisse inédite de 0,5 % en volume durant cinq ans avec une inflation autour de 5 à 6 % quand les contrats de Cahors limitaient la hausse autour de 1,2 % des DRF en valeur dans un contexte d’inflation quasi-nulle et des taux d’intérêt très bas. La solidarité intra-catégorielle aura forcément des limites d’autant que les nouveaux entrants dans le dispositif n’offriront pas les meilleures garanties : Ce sont majoritairement des villes moyennes qui ploient sous des lourdes charges de centralité, sont parfois en déprise économique et se retrouvent alors financièrement fragilisées.
Enfin, se rajoute un objectif écarté dans les contrats de Cahors : le plafonnement de la durée de désendettement mesuré en années. Pour les collectivités contrevenantes, l’Etat fixe un objectif d’amélioration de la durée de désendettement à 12 ans maximum pour les communes et intercos, 10 ans pour les départements, neuf ans pour les régions.
Las ! L’esprit de Cahors, frappe fort. Pas de doute que les associations dans les jours qui viennent, souffleront la suite de la chanson de Brel au gouvernement : « mais je te préviens, je n’irai pas plus loin ! »
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