Le timing est parfait. Alors que l’Union européenne vient d’adopter un cadre juridique ambitieux pour la régulation des réseaux sociaux, le Conseil d’État leur consacre, ce 27 septembre, son étude annuelle 2022. Pour le rapporteur général de la Section du Rapport et des Etudes de l’institution, Fabien Raynaud, le choix de ce sujet n’est pas le fruit du hasard : « L’étude annuelle du Conseil d’Etat sur les réseaux sociaux intervient à un moment particulier puisque l’Union européenne a adopté deux textes très importants en la matière qui vont doter l’Union européenne d’outils tout à fait nouveaux pour réguler les services numériques et en particulier les réseaux sociaux ».
Au fil des 324 pages de l’étude, les locataires du Palais Royal ont donc analysé le monde des réseaux sociaux et formulé 17 propositions opérationnelles pour qu’ils soient utilisés de la manière la plus efficace possible.
En interne…
Première proposition formulée : renforcer la culture des réseaux sociaux dans les administrations. Pour Fabien Raynaud, « cette culture nous paraît encore insuffisante au sein des services notamment au niveau de l’encadrement pour des raisons d’âge ».
Le Conseil d’Etat souhaite donc développer au sein des administrations l’usage des réseaux sociaux afin d’avoir « un fonctionnement qui soit moins vertical, plus coopératif, plus réactif ». Dans ce but, l’étude rappelle l’existence, depuis 2018, de la messagerie Tchap conçue par la Dinum. Dédiée aux agents des ministères qui ont besoin d’utiliser une messagerie instantanée pour collaborer directement, elle est hébergée sur des serveurs français. Une réussite que le Conseil d’Etat souhaiterait ouvrir aux collectivités territoriales – une expérimentation est en cours – afin que celles-ci cessent d’utiliser des plateformes destinées au grand public qui ne disposent pas des garanties liées à la sécurité et la confidentialité des échanges.
… et en externe
Parallèlement à cette incitation à développer la culture des réseaux sociaux, et leur usage, au sein des administrations, le Conseil d’Etat émet le vœu d’utiliser ces derniers également à des fins d’information et de promotion de l’action publique auprès des citoyens.
A ce propos, l’étude met en avant le caractère attractif que dégagent les réseaux sociaux auprès des publics plus jeunes. Un levier idéal donc pour les informer des actions locales, faciliter certaines de leurs démarches et communiquer directement avec eux.
Une forme de communication qui permet également, selon l’étude, de rendre compte au citoyen de l’action publique. « Pour les collectivités territoriales, les réseaux sociaux constituent des relais à part entière des politiques publiques. Cette révolution des modes de relations entre l’administration et les administrés doit être mise au profit du plus grand nombre et doit être organisée au mieux pour ne pas dévoyer son objet » peut-on y lire.
L’étude du Conseil d’Etat passe également en revue les bénéfices que peuvent engendrer les réseaux sociaux que ce soit en termes de vie de quartier, de démocratie locale.
Formation des agents
Toutefois, l’utilisation des réseaux sociaux les plus « grand public » expose aussi les collectivités à certains risques comme les fausses informations et les trolls. C’est pourquoi, le Conseil d’Etat prône dans son étude annuelle, une utilisation de réseaux sociaux dits « alternatifs », au moins pour faire vivre la démocratie locale et utiliser des civics techs, car « seuls les réseaux sociaux alternatifs sont, pour l’instant, à même de proposer un espace suffisamment sécurisé et serein ». Le Conseil d’Etat promeut en ce sens l’utilisation de Mastodon ou de Whaller.
Enfin, le Conseil d’Etat précise qu’une telle généralisation nécessite des formations des fonctionnaires « afin de déterminer les limites à ne pas dépasser, et de protéger les agents d’éventuels propos malveillants ». A terme, l’institution souhaite que « toutes les collectivités territoriales importantes, les administrations centrales et déconcentrées et les services publics fortement présents sur le net disposent d’un tel dispositif ».