«Le site convient pour les rassemblements de printemps mais, nous ne savons pas comment nous pourrons y accueillir celui d’août qui attire beaucoup plus de monde », s’inquiète le pasteur Joseph Charpentier, organisateur des grands rassemblements de l’association Vie et Lumière, une mission évangélique des Tsiganes de France.
A partir du 18 août 2011, il attend 6000 à 7000 caravanes sur un terrain qui tous les ans en avril en accueil 2000 à 3000. Le pasteur affiche un ferme mécontentement : «depuis 1988, c’est la 1ère fois que l’Etat recule sous la pression d’élus locaux. chaque année, il y a des protestations plus ou moins fortes mais à chaque fois le bilan s’avère positif », rappelle Joseph Charpentier, qui cite les rapports des préfets des précédentes manifestations. Il ajoute par ailleurs qu’en général, « c’est aussi l’occasion de démontrer que notre communauté fait partie intégrante de la nation française ». De leur côté, le maire de Nevoy et les élus de la ville voisine de Gien trouvent que 2 rassemblements par an au même endroit «c’est trop !».
Hésitations du ministère de l’Intérieur – Début juillet, le ministère de la Défense avait mis à disposition une partie de la base aérienne de Colmar Meyenheim techniquement adaptée à une telle manifestation.
Mais le 6 juillet, le cabinet de Claude Guéant annonçait au préfet du Haut-Rhin que les plus hautes instances de l’Etat renonçaient au projet. Jusqu’à présent les grands rassemblements étaient considérés comme de grandes manifestations publiques, religieuses, culturelles, sportives, du ressort de l’Etat dans le cadre de l’article L2214-4 du code des collectivités territoriales.
Signe du rejet d’une communauté ? – S’ils sont désormais confinés sur des sites privés, cette régression pourrait être interprétée comme le signe du rejet d’une communauté. « Cette année nous sommes placés devant une situation imprévue, mais les services de l’Etat vont tout mettre en œuvre en concertation avec les organisateurs et les élus pour que les choses se passent le mieux possible », argumente la sous-préfecture de Montargis.
De son côté Françoise Boog, maire de Meyenheim (Haut-Rhin), se félicite du recul du ministère de l’Intérieur. « Nous sommes très reconnaissant au député Michel Sordi qui a joué de son influence au plus sommet de l’Etat », se félicite l’élue locale qui, avance pour justifier son refus de la manifestation, une série d’arguments contredits par les bilans des années précédentes (voir encadré).
L’Alsace privée de 2 millions d’euros – Selon les constats effectués par la préfecture de Haute Marne, suite aux grands rassemblements de Chaumont (2007 et 2010), de tels événements apportent aux commerces locaux une augmentation du chiffre d’affaires de 20%.
De leur côté, les organisateurs estiment que les participants à cette fête religieuse de 10 jours est aussi l’occasion de retrouvailles familiales et amicales. Ils dépensent en moyenne 50 euros par famille et par jour soit entre 1 à 2 millions au total.
A cette consommation s’ajoutent les 150 000 euros investis dans l’économie locale par l’organisation qui paye la mobilisation des services de l’Etat, l’eau, l’électricité, la collecte des déchets et l’entretien du site et la location du matériel nécessaire. « Nous n’avons pas tenu compte de cet aspect de la question lorsque nous avons décidé de nous y opposer », reconnaît Françoise Boog.
Les élus en déficit d’information ?
Les élus de la circonscription de Cernay (68), opposés à la tenue du grand rassemblement 2011 sur la base de Meyenheim avancent une série d’arguments.
Suite à l’entretien téléphonique accordé par Françoise Boog, maire de la commune, à la Gazette, ses arguments pu être confrontés aux réalités constatées lors des précédents rassemblements.
Cet exercice démontre que les élus souffrent d’un déficit d’information. Démonstration :
- Argument : « L’évènement et la taille de la commune sont disproportionnés »
Faits :
Meyenheim : 1200 habitants, 1280 hectares,
Sèmoutiers, à côté de Chaumont (2010) 800 hectares,
Couvron non loin de Laon (2009) 1400 hectares. - Argument : « La densité de la population alsacienne est trop importante pour recevoir 30 000 personnes supplémentaires »
Faits : En 2004, le grand rassemblement s’est déroulé dans le Nord-Pas-de-Calais, région d’une densité de population comparable. - Argument : « Nous sommes dans l’incapacité d’assurer l’approvisionnement en eau ».
Faits : La base de Meyenheim dispose de capacité en eau potable plus importante que celle de Sémoutiers - Argument : « La base est utilisée par un régiment ce qui rend impossible la tenue de la manifestation ».
Faits : La cohabitation entre Gens du voyage et militaires s’était déroulée dans de bonnes conditions à Grostenquin (57) en 2006, Chaumont (52) en 2007 et 2010, Laon (2009).