Le timing est parfait. La loi du 11 mai avait prorogĂ© l’Ă©tat d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 et c’est au Journal officiel de ce jour que parait la loi du 9 juillet organisant la sortie de l’Ă©tat d’urgence sanitaire, qui n’en est en fait pas une pour tous les territoires. L’Ă©tat d’urgence sanitaire est en effet prorogĂ© jusqu’au 30 octobre 2020 inclus sur les seuls territoires de la Guyane et de Mayotte, encore particulièrement touchĂ©s par l’Ă©pidĂ©mie. Ailleurs, la fin de l’Ă©tat d’urgence sanitaire signe notamment la fin de plusieurs mesures sociales, dont celle de la trĂŞve hivernale.
Saisi par des sĂ©nateurs, le Conseil constitutionnel s’est prononcĂ© sur cette loi dans une dĂ©cision du 9 juillet : les Sages ont apportĂ© des prĂ©cisions aux prĂ©rogatives accordĂ©es au Premier ministre par cette loi.
Un reconfinement toujours possible ?
La loi permet au Premier ministre, par dĂ©cret pris sur le rapport du ministre chargĂ© de la santĂ©, dans l’intĂ©rĂŞt de la santĂ© publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’Ă©pidĂ©mie de covid-19, de rĂ©tablir des règles de confinement. Cette rĂ©versibilitĂ© des mesures, le Premier ministre tout rĂ©cemment intronisĂ©, Jean Castex, l’avait appelĂ©e de ses vĹ“ux lorsqu’il avait prĂ©sentĂ© en mai son plan de prĂ©paration de la sortie du confinement en tant que coordonnateur de la stratĂ©gie nationale de dĂ©confinement.
Jusqu’au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre pourra donc prendre quatre sĂ©ries de mesures, qui devront ĂŞtre strictement proportionnĂ©es aux risques sanitaires encourus et appropriĂ©es aux circonstances de temps et de lieu. Il y sera mis fin sans dĂ©lai lorsqu’elles ne seront plus nĂ©cessaires. Elles pourront aussi faire l’objet d’un rĂ©fĂ©rĂ©-suspension ou d’un rĂ©fĂ©rĂ©-libertĂ© devant le juge administratif.
- rĂ©glementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatĂ©e une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des vĂ©hicules, ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aĂ©riens et maritimes, interdire ou restreindre les dĂ©placements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous rĂ©serve des dĂ©placements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santĂ©. Sur ce point, les Sages indiquent que l’interdiction de circulation des personnes ne peut conduire Ă leur interdire de sortir de leur domicile ou de ses alentours.
- rĂ©glementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de prĂ©sence, d’une ou de plusieurs catĂ©gories d’Ă©tablissements recevant du public ainsi que des lieux de rĂ©union, Ă l’exception des locaux Ă usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nĂ©cessitĂ©. La loi n’exclut pas la fermeture provisoire d’une ou de plusieurs catĂ©gories d’Ă©tablissements recevant du public ainsi que des lieux de rĂ©unions ;
- rĂ©glementer les rassemblements de personnes, les rĂ©unions et les activitĂ©s sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. Le Conseil constitutionnel prĂ©cise que la loi, contrairement Ă ce que soutiennent les sĂ©nateurs, ne permet pas au Premier ministre Ă substituer un rĂ©gime d’autorisation prĂ©alable au rĂ©gime dĂ©claratif qui s’applique Ă l’organisation des manifestations sur la voie publique. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs rĂ©cemment suspendu l’obligation d’obtenir une telle autorisation dans une ordonnance du 6 juillet.
- imposer aux personnes souhaitant se dĂ©placer par transport public aĂ©rien Ă destination ou en provenance du territoire mĂ©tropolitain ou de l’une des collectivitĂ©s mentionnĂ©es Ă l’article 72-3 de la Constitution de prĂ©senter le rĂ©sultat d’un examen biologique de dĂ©pistage virologique ne concluant pas Ă une contamination par le covid-19.
Lorsque le Premier ministre prend ces mesures, il peut habiliter le reprĂ©sentant de l’Etat territorialement compĂ©tent Ă prendre toutes les mesures gĂ©nĂ©rales ou individuelles d’application de ces dispositions. Lorsque ces mesures doivent s’appliquer dans un champ gĂ©ographique qui n’excède pas le territoire d’un dĂ©partement, le Premier ministre peut habiliter le prĂ©fet de dĂ©partement à les dĂ©cider lui-mĂŞme : celui-ci prendra ces dĂ©cisions après avis, rendu public, du directeur gĂ©nĂ©ral de l’agence rĂ©gionale de santĂ©.
L’application validĂ©e d’une peine dĂ©lictuelle
Pour assurer le respect de ces possibles mesures, la loi prĂ©voit que le quatrième alinĂ©a de l’article L. 3136-1 du code de la santĂ© publique leur est applicable : cela veut dire que la violation rĂ©pĂ©tĂ©e de ces rĂ©glementations ou interdictions sera rĂ©primĂ©e d’une peine dĂ©lictuelle. Pour les sĂ©nateurs, ces dispositions mĂ©connaĂ®traient le principe de lĂ©galitĂ© des dĂ©lits et des peines. Ils soutiennent que les mesures dont la mĂ©connaissance constitue un dĂ©lit ne sont pas suffisamment dĂ©finies par le lĂ©gislateur qui en aurait laissĂ© la dĂ©termination au pouvoir rĂ©glementaire. Mais le Conseil constitutionnel estime que le lĂ©gislateur a suffisamment dĂ©fini les Ă©lĂ©ments essentiels de ces mesures de rĂ©glementation et d’interdiction. Dans une dĂ©cision QPC du 26 juin, le Conseil constitutionnel avait dĂ©jĂ dĂ©clarĂ© conforme les dispositions de ce quatrième alinĂ©a au principe de lĂ©galitĂ© des dĂ©lits et des peines, et donc Ă la Constitution.
Références
Domaines juridiques








