Alors que l’économie et les budgets publics subiront des chocs majeurs avec l’épidémie de coronavirus, toute bulle d’oxygène est bonne à prendre. L’une des réponses de la Commission européenne passe par les Fonds structurels européens. En même temps qu’une flexibilité accrue sur le Pacte de stabilité et sur les aides d’Etat, Bruxelles a proposé, le 13 mars, une série de mesures pour permettre aux Etats de mobiliser davantage de fonds là où ils seront les plus nécessaires.
Apporter un « coussin de liquidités »
D’abord, les Etats ne seront pas obligés de rembourser cette année les préfinancements de 2019 non dépensés. C’est de l’argent qui, normalement, aurait dû être retourné à la commission d’ici la fin du mois de juin 2020. Pour la France, on parle ici d’un montant de 312 millions d’euros. Au niveau de 27, on atteint 8 milliards d’euros. Les Etats « sont désormais autorisés à conserver cet argent, qui leur fournira un coussin de liquidités », a fait savoir la commission.
Bruxelles promet aussi de mettre sans délai des liquidités à disposition des Etats grâce à des paiements anticipés. Ils seront versés « dans les semaines à venir », a indiqué le directeur général de la DG Regio à la Commission, Marc Lemaître. Pas de l’argent frais donc, mais de l’argent qui sera débloqué plus rapidement.
En tenant compte des taux de cofinancement applicables aux programmes français, le montant de 312 millions d’euros réinjecté dans le circuit des fonds structurels sera complété par 338 millions d’euros à charge du budget européen. En tout donc : 650 millions d’euros d’investissement pourront être réalisés pour répondre à la crise, à partir des préfinancements non retournés à la commission. Au niveau de l’UE, on atteint 37 milliards d’euros.
De nouvelles règles d’éligibilité
La Commission propose aussi de revoir les règles d’éligibilité des Fonds structurels pour englober les dépenses liées à la crise du coronavirus encourue à partir du 1er février 2020. Les ressources du Feder et du Fonds social pourront ainsi être utilisées pour des dépenses soins de santé, par exemple pour l’achat d’équipements sanitaires et de protection, de respirateurs, pour financer l’accès des groupes vulnérables aux soins de santé, etc.
Il s’agit aussi de pouvoir aider les entreprises à amortir le choc de la crise. Comme de nombreux Etats, la France va mettre en place de tels régimes d’aide. « L’argent doit bien venir de quelque part, il pourra venir de là », a indiqué Marc Lemaître. Des régimes nationaux de chômage partiel pourront aussi être soutenus par le Fonds social européen.
La reprogrammation simplifiée
Les modifications réglementaires proposées prévoient également de simplifier les reprogrammations. « Nous voulons faciliter les virements interfonds ou entre les priorités d’un même fonds », dit Marc Lemaître. Ici encore, toujours avec l’objectif d’utiliser l’argent là où il est le plus utile, sans devoir se lancer dans une opération complexe de reprogrammation classique.
La Commission a calculé que, sur l’enveloppe de la période 2014-2020, la France devait encore investir quelque 1,3 milliards d’euros – cofinancement national compris. De l’argent, dit-elle, qui peut servir à répondre à la crise du coronavirus grâce à ces nouvelles dispositions. L’objectif est d’agir rapidement. « Nous nous occuperons de la paperasse, des ajustements, des régularisations plus tard. »
Le Fonds de solidarité élargi
Mobilisation du côté du Fonds de solidarité aussi. Ce Fonds, créé normalement pour aider les régions à faire face aux grandes catastrophes naturelles, va pouvoir étendre son champ d’intervention aux dépenses encourues dans la gestion de cette crise.
Ici aussi, la commission propose une modification du règlement. Elle doit permettre aux Etats confrontés à « une urgence de santé publique majeure » de solliciter le Fonds. Pour 2020, 800 millions d’euros sont disponibles au titre du Fonds de solidarité, pour l’ensemble de l’UE. Une somme qui pourrait être augmentée. « Dans le courant 2020, des fonds supplémentaires seront déboursés, ce qui porterait le total à 1,150 millions d’euros », a ainsi affirmé Gert Jan Koopman, directeur général de la DG Budget.
Concrètement, les Etats où les mesures d’intervention décidées pour répondre à la crise du Coronavirus dépassent 1,8 milliards d’euros (prix actuels – la proposition parle de 1,5 milliards mais aux prix 2011) ou plus de 0,3% du revenu national brut pourront se tourner vers le Fonds.
Comme d’habitude avec le Fonds de solidarité, il s’agit bien d’une aide a posteriori, qui servira à rembourser après coup une partie des dépenses exceptionnelles liées à la crise. Pour en bénéficier, les Etats doivent rentrer une demande à la commission, qui suivra alors le schéma classique d’approbation. Cela peut prendre un certain temps, mais en déposant leur demande, les Etats peuvent aussi solliciter le versement d’une avance sur le montant d’aide anticipé. Normalement limitée à 10% de ce montant (avec un plafond de 30 millions d’euros), l’avance pourra être dans ce cas-ci montée à 25%, avec un plafond de 100 millions d’euros.
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