Analyser les effets qu’a la technologie dans nos vies et décortiquer son instrumentalisation au service d’une idéologie néolibérale : dans son dernier ouvrage, « Technopouvoir, dépolitiser pour mieux régner » (Les Liens qui libèrent, 2019), Diana Filippova, dans la lignée des travaux sur le biopouvoir de Michel Foucault, se penche sur l’impact du numérique et des techniques. De la voiture, socialement très mal acceptée à ses débuts et qui a contribué à faire naître le crédit et l’étalement urbain ou, plus récemment, à la vidéosurveillance intelligente et à l’agrégation de quantité de données qui rendent l’homme prédictif et donc parfaitement « gouvernable »… Ces mécanismes et ces technologies sont « enfouis », au sens où l’on ne les voit pas. Leurs effets sont méconnus, et de toute façon, ils nous sont présentés comme des « boîtes noires » que nous ne sommes pas à même de comprendre.
Les technologies avancent aussi, masquées dans la modernisation des services publics où elles peuvent en réalité servir à légitimer leur démantèlement. Cheffe d’entreprise de l’agence de stratégie Stroïka, politiste et spécialiste des questions technologiques, engagée en politique – ancienne membre de Place publique et actuelle tête de liste dans le 7e arrondissement de Paris, avec le soutien de la maire sortante Anne Hidalgo –, Diana Filippova estime que nous traversons un moment crucial, profondément politique : « Nous sommes passés d’une phase où les technologies nous enthousiasmaient à un désenchantement profond. » Dans son ouvrage, elle décortique le crépuscule de cette idéologie du progrès et invite à réinstituer certains rapports de force, notamment vis-à-vis des acteurs privés. Et à ramener enfin les technologies dans le débat public.
Pourquoi les acteurs publics devraient-ils se méfier du numérique et des technologies ?
Dans les années 2000, en France, on considérait que les collectivités étaient en retard en matière numérique. On donnait en exemple d’autres pays, à l’époque les Etats-Unis, on cite aujourd’hui l’Estonie. On reprochait aux agents d’être en retard sur le progrès technique, et maintenant, alors qu’ils adoptent cette transformation et cette religion de la technologie, certains discours critiques leur disent qu’ils se sont trompés, ce qui créé une dissonance cognitive dans leur esprit. Où est la vérité ?
Ma critique ne porte pas sur les personnes, mais sur un système, pour essayer de comprendre pourquoi il est accepté et présenté comme inévitable. Dans les collectivités, le fameux « tout numérique » s’impose à tous les échelons. La 5G, par exemple,
[70% reste à lire]
Article réservé aux abonnés
Gazette des Communes
Cet article est en relation avec le dossier
Cet article fait partie du Dossier
Ville du futur, ville sûre : la surveillance
Sommaire du dossier
- Surveillance de l’espace public : jusqu’où les villes peuvent-elles aller ?
- Londres, Moscou, New Delhi.. Les expérimentations de la reconnaissance faciale et leurs dérives
- La ville de Boston interdit timidement la reconnaissance faciale aux forces de l’ordre
- « Cette société cache en réalité une volonté de contrôle » – Diana Filippova, politiste
- Le laser d’Outsight se met à la surveillance des gestes barrières
- Covid-19 : Le Conseil d’Etat interdit la surveillance policière par drone
- Tranquillité publique : ces applis qui améliorent le cadre de vie
Thèmes abordés