Les super-métropoles, victimes collatérales de la révolte des Gilets jaunes. Devant la fronde de la France périphérique, le gouvernement a mis en sourdine son projet de doter les principaux groupements urbains du pays de nouveaux pouvoirs. Une manière aussi pour lui de prendre acte de l’absence d’accord entre les patrons des métropoles et des départements qu’Emmanuel Macron souhaitait fusionner. De plus, à une dizaine de mois des municipales, le calendrier ne joue guère en faveur d’opérations aussi lourdes.
Après Bordeaux, Lille et Nantes, Nice et Toulouse jettent l’éponge. Dans un communiqué commun publié le 13 février 2019, leurs présidents Christian Estrosi (LR) et Jean-Luc Moudenc (LR) prennent acte que « les conditions actuelles ne permettent plus d’aller sereinement vers la réforme territoriale souhaitée par le gouvernement ». La faute, disent-ils, à tous ceux qui se sont servis de ces fusions pour « opposer, une fois de plus, l’urbain et le rural ».
Simple accord de coopération à Toulouse
Christian Estrosi et Jean-Luc Moudenc dénoncent de « nombreuses réunions de travail » pour rien. Tout au contraire, leurs homologues des conseils départementaux se réjouissent de ce statu quo. Georges Méric, patron (PS) de la Haute-Garonne, salue « la décision de bon sens » du président de la métropole de Toulouse. « À l’heure où l’unité nationale est ébranlée et où les citoyens demandent plus de justice sociale et territoriale et plus de démocratie locale de proximité, l’affaiblissement des départements serait une erreur politique majeure », tranche-t-il. Mais le groupement toulousain, dont la majorité des élus s’étaient prononcés pour une fusion avec la Haute-Garonne, ne lâche pas complètement l’affaire. Si elle vient de signer un nouvel accord de coopération avec le département, la métropole réaffirme dans son communiqué avec Nice la nécessité de donner aux plus grosses agglomérations françaises « la dimension nécessaire pour rivaliser avec leurs homologues européennes ».
Gouvernement proactif dans les Bouches-du-Rhône
Ensablée dans le Grand Paris, la fusion métropole-département est, en revanche, plutôt bien emmanchée à Aix-Marseille-Provence. A en croire Le Monde, le gouvernement est prêt à « passer à l’acte ». Dans le droit fil du rapport du préfet Pierre Dartout remis le 15 février à Edouard Philippe, l’exécutif planche sur une fusion totale de la métropole et du département sur l’ensemble du territoire. Une opération soutenue par Martine Vassal, patronne LR des deux structures depuis le mois de septembre 2018.
Mais 9 des 29 maires du Pays d’Arles font toujours de la résistance. Ils sont montés à Paris, le 19 février, pour sonner le tocsin. Sous l’égide de l’Association des petites villes de France, ils ont présenté leur plan B : la constitution, à côté de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, d’une collectivité du Pays d’Arles dotée des compétences intercommunales.
Une entité, recalée par le préfet l’an passé, qui fonderait trois ensembles actuels (les communautés d’agglomération d’Arles Crau Camargue Montagnette, et de Terre de Provence ainsi que la communauté de communes Vallée des Baux Alpilles) au sein d’une structure couvrant 40 % du territoire et rassemblant 9 % de la population des Bouches-du-Rhône.
En cas de fusion de la métropole et du département, la nouvelle collectivité du Pays d’Arles récupérerait également les compétences départementales. Les défenseurs de ce modèle assurent avoir le soutien de Renaud Muselier, président (LR) du conseil régional, qui se dit prêt à exercer certaines de ces compétences (les collèges, par exemple).
Note salée pour les communes ?
Dans les neuf communes rebelles a été organisée une consultation citoyenne, à laquelle ont participé 13 500 personnes (sur 91 496). « Neuf électeurs sur dix ont déclaré ne pas vouloir être intégrés de force dans la métropole », rapporte Hervé Chérubini, maire (Divers gauche) de Saint-Rémy de Provence.
Il ne s’agit pas d’un projet contre la métropole, clament d’une seule voix les élus présents. Simplement, celle-ci « fonctionne mal ». Y adjoindre 29 communes « n’apporterait pas de l’huile dans les rouages, mais plusieurs cailloux dans la chaussure », justifie Jean-Marc Martin-Teisseire, maire de Verquières. D’autant que le Pays d’Arles a « une culture, une identité qui lui sont propres ».
Mais surtout, les opposants à cette fusion mettent en avant ses conséquences financières et fiscales. « La fiscalité augmenterait de 17 M€ sur notre territoire », résume Hervé Chérubini. Pour étayer leurs arguments, les élus se sont entourés du cabinet Michel Klopfer, qui a analysé les impacts de chaque scénario (fusion métropole/département sur l’ensemble des Bouches-du-Rhône ou fusion sur le seul périmètre de la métropole actuelle, sur le modèle lyonnais). « La fusion avec la métropole entraînerait une baisse de 600 000 euros des ressources nettes des 29 communes (DGF et Fpic) », relève Michel Klopfer.
Ces élus du Pays d’Arles font aussi valoir que, lors de ses allocutions devant les maires, Emmanuel Macron s’oppose régulièrement aux « intercommunalités forcées ». Tout au contraire, le président de la République défend le droit à la différenciation territoriale. Une possibilité ouverte prochainement dans la Constitution dont ces élus du Pays d’Arles espèrent profiter.
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