Son parcours – de la ville de Lorient, où il a œuvré comme directeur général des services de Jean-Yves Le Drian, à la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne – lui a permis d’aborder la décentralisation sous bien des facettes. Président du Club Marc-Bloch, Hugues Clepkens est aujourd’hui à l’origine de l’ouvrage collectif « Citoyen ! », vibrant « plaidoyer pour une démocratie locale renouvelée » (L’Harmattan). Le fruit d’un travail mené avec des membres du Club Marc-Bloch – élus, professeurs d’université, cadres supérieurs de collectivités bien sûr, mais aussi de l’Etat. Un essai dans lequel les auteurs prônent une nouvelle organisation territoriale, à rebours du schéma adopté durant le quinquennat précédent.
La décentralisation a-t-elle rendu le pouvoir aux citoyens, selon le vœu de François Mitterrand ?
D’entrée, on a développé le pouvoir municipal, mais pas le pouvoir communal. En clair : on a favorisé le pouvoir des élus, pas celui des citoyens. Les habitants ont fini par s’en rendre compte. D’où l’abstention de plus en plus forte aux élections locales.
Dans le même temps, le décalage entre les institutions locales et les espaces de vie des habitants, né à la fin du XIXe siècle avec les premières vagues d’exode rural, n’a fait que se renforcer. Les déplacements de population n’ont pas été pris en compte. Un quartier de 5 000 habitants de la périphérie d’une commune urbaine ne compte parfois pas le moindre représentant au conseil municipal, quand, juste à côté, la population d’une commune de 1 500 habitants est représentée par 20 conseillers municipaux. La structure institutionnelle ne correspond plus à la structure de population du pays.
La dernière réforme territoriale a-t-elle résorbé cette fracture ?
On a confondu réforme territoriale et économie de gestion, architecture et épicerie. On est dans le bricolage permanent et le zoo institutionnel. Juste avant le scrutin de 2015, les candidats alsaciens dans la région Grand Est faisaient des voyages d’étude en Champagne-Ardenne pour savoir quels étaient les problèmes de ce territoire ! Les grandes intercommunalités, avec des bureaux de 35 à 40 membres et des réunions des assemblées dans des gymnases, ne fonctionnent pas non plus. Un signe qui ne trompe pas : quand on dépasse quatre ou cinq personnes dans le public, en comptant le journaliste local, c’est le bout du monde.
Ces organisations technocratiques laissent présager une crise des vocations aux prochaines municipales. N’oublions pas qu’en 2014, déjà, onze jours seulement avant la date butoir du dépôt des listes, aucune candidature n’avait été enregistrée dans 62 % des communes de moins de 1 000 habitants.
Vos propositions, qui reposent sur des communes de plus de 5 000 habitants, ne sacrifient-elles pas elles aussi à la course au gigantisme ?
Non, car le système électoral que nous proposons s’appuie sur des circonscriptions infracommunales qui assurent la proximité. J’ajoute que le chiffre de 5 000 habitants ne constitue qu’un objectif à terme. Il s’agit d’abord d’adapter cette taille à la vie des gens. Nos communes rénovées ont aussi vocation à s’appuyer sur des syndicats intercommunaux, en fonction des différentes politiques.
Nous plaidons, enfin, comme Michel Debré après la Libération, pour une quarantaine de départements. Les régions deviendraient alors des établissements publics de coopération interdépartementale. Une manière de mettre en accord le droit avec les faits. Les régions sont en effet privées de leur compétence générale et du pouvoir de voter l’impôt direct, attributs essentiels de toute vraie collectivité.
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