Dès le 20 novembre, à la veille du congrès des maires, l’association des maires ruraux de France avait voté une motion critique à l’égard du projet de loi des finances 2018 soulignant qu’il y avait « encore beaucoup d’efforts à faire pour une loi qui redonne de l’espoir au monde rural ».
Après la conférence des territoires de la semaine dernière, la déception et la circonspection restent de mise chez les édiles ruraux.
« Nous avons passé deux heures et demi à écouter les échanges sur un contrat entre 300 collectivités et l’Etat. Cela laissait peu de temps pour le reste. Ensuite, (le gouvernement) nous a servi le même trompe-l’œil : ‘ne vous plaignez pas, vous n’êtes pas concernés par la baisse de la DGF, les territoires ruraux sont épargnés par la baisse’. Mais, en réalité, ça baisse tellement ailleurs, sur les dotations touristiques, la DETR restreinte, que nous ne pouvons être satisfaits », assure le président de l’AMRF, Vanik Berberian.
Gagnants en ville, perdants aux champs
Une des principales critiques de l’AMRF porte sur la taxe d’habitation. Le vice-président de l’AMRF chargé des finances, Luc Waymel, explique :
« Nous aurions préféré une baisse forfaitaire. Avec le système mis en place, le ‘cadeau’ est plus important en milieu urbain qu’en milieu rural, puisque les bases et les taux sont plus élevées en ville qu’en campagne. Avec une exonération de 30%, les grands gagnants seront les habitants des villes de toute la France et de tous les territoires du pourtour méditerranéen ».
Il poursuit : « Il n’y a pas de vision globale, d’architecture d’ensemble de la fiscalité locale, dans laquelle une réforme de la taxe d’habitation se justifierait. C’est tout le système qu’il faut revoir, au lieu de faire des retouches impressionnistes. A force de repousser ainsi l’analyse de la réforme de la fiscalité locale, elle n’avancera jamais. Le gouvernement parle de suppression d’impôts locaux sans discuter de ce que celle-ci impliquerait. On profite de la complexité pour tromper tout le monde », peste pour sa part Vanik Berberian.
Inégalité entre habitants
Dans sa motion, l’association des maires ruraux souligne également l’iniquité dans le soutien aux territoires fragiles via les dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR), qui ont été augmentés d’un montant équivalent l’an dernier.
« Si vous divisez les montants par le nombre de personnes concernées, le montant représente 85€ par habitant pour la DSU et 15€ par habitant pour la DSR. Cette année le gouvernement va encore ajouter la même augmentation en masse, alors le fossé va encore s’agrandir », souligne Luc Waymel.
« En République l’égalité des citoyens quel que soit le lieu où ils habitent est une valeur fondamentale. Force est de constater que les écarts de dotation de base dans la DGF communale perdurent : de 64 € à 128 €/ habitant suivant la taille des communes, de 20 à 60 €/habitant selon le statut des intercommunalités », souligne la motion de l’AMRF sur le PLF 2018.
Evasion fiscale
La lutte contre l’évasion fiscale et les rémunérations des élus locaux de grandes collectivités sont aussi des chevaux de bataille pour Vanik Berberian : « Dans les réunions d’associations d’élus nous parlons souvent des économies à faire en fin de course pour respecter les critères, mais nous ne parlons jamais de l’évasion et de l’optimisation fiscales qui ont le même objectif : diminuer nos ressources. Au lieu d’y réfléchir, le Sénat propose une augmentation de 40% des rémunérations des élus des grandes collectivités -régions, départements, grandes villes-, alors que dans le même temps le discours est de demander à tous de faire des économies », souligne le président de l’AMRF.
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PLF 2018 : fiscalité et pacte financier, la nouvelle donne
Sommaire du dossier
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- Budget 2018 : la confiance avec les élus locaux reste à construire
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- Loi de programmation : les députés assouplissent (un peu) les contraintes sur les collectivités
- Comment l’Etat veut contraindre les collectivités à se désendetter
- Finances publiques : ce qui attend les collectivités d’ici à 2022
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