Edouard Philippe n’a pas pu attendre. Le Premier ministre a publié une circulaire intitulée « Maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact ». Elle vise à ce que toute nouvelle norme réglementaire soit compensée par la suppression de deux normes existantes, et ce à compter du 1er septembre prochain. Un texte dont la signature était prévue par une disposition du projet de loi relatif au droit à l’erreur et à la simplification, dont la présentation en conseil des ministres a été repoussée à la rentrée.
Cette nouvelle circulaire pose ainsi une nouvelle obligation aux ministères. L’entrée en vigueur d’un « décret réglementaire comportant des mesures constitutives de normes nouvelles contraignantes (obligations de mise en conformité, nouvelles formalités administratives…) opposables aux acteurs de la société civile, aux services déconcentrées et aux collectivités territoriales est désormais conditionnée par l’adoption simultanée d’au moins deux mesures d’abrogation ou, de manière subsidiaire, de deux normes de simplification de normes existantes ». A noter que les décrets pris pour la première application d’une loi ou d’une ordonnance ne sont pas concernées par cette mesure.
Ces abrogations, ou simplifications, devront intervenir dans le même champ ministériel ou dans le même cadre de politique publique que la norme créée. Il est précisé que « dans le cas où la norme créée s’applique aux collectivités territoriales », les abrogations ou simplifications proposées « doivent impérativement concerner des normes s’appliquant aux collectivités ». De plus, il ne s’agit pas simplement de respecter des objectifs de quantité. Les normes concernées devront être de niveau équivalent dans la hiérarchie des normes.
Le Premier ministre justifie cette mesure dans le document : « Traduction d’une politique publique, la norme peut aussi être une contrainte pour la compétitivité des entreprises, l’administration des collectivités territoriales, le fonctionnement des services déconcentrés et la vie quotidienne de nos concitoyens. »
Une énième tentative
Cette volonté de lutte pour la simplification normative et la qualité du droit rejoint une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Le Président de la République l’avait d’ailleurs rappelé le 17 juillet dernier, au Sénat, lors de la Conférence nationale des territoires.
Ce n’est toutefois pas le premier gouvernement à vouloir instaurer cette mesure communément appelée « deux pour un ». Nicolas Sarkozy en avait déjà fait la promesse durant sa campagne présidentielle pour 2012. Mais surtout, ce n’est pas le premier gouvernement à déclarer son intention (louable) de lutter contre l’inflation normative.
Tous les Premiers ministres, sans exception, ont publié une circulaire sur la prolifération des normes. On connait la suite… Il en sera de même cette fois.
C’est ce que rappelle Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) et vice-président du conseil départemental de l’Orne : « Tous les Premiers ministres, sans exception, depuis Michel Rocard en 1989 (23 Février 1989), ont publié une circulaire sur la prolifération des normes. On connait la suite… Il en sera de même cette fois. La suppression de deux normes pour une ne change rien à l’affaire. Deux alouettes ne pèsent pas le poids d’un cheval. La méthode à adopter est différente, elle a été maintes fois proposée par le CNEN. »
Le Premier ministre en est conscient, puisque la première phrase de la circulaire explique que « les tentatives opérées jusqu’à présent de maîtrise du flux des textes réglementaires n’ont pas produit des résultats à la hauteur des enjeux. »
Attaque conjointe sur le flux et le stock
Quoi qu’il en soit, ce document transcrit l’intention du chef du gouvernement de s’attaquer au flux des textes réglementaires, en contraignant leur publication par la suppression de normes existantes. Mais il explicite également une volonté de s’attaquer au stock : « à l’occasion de la préparation des nouvelles normes réglementaires traduisant les choix du gouvernement, nous devons veiller à maîtriser leur impact et réduire les normes existantes ».
Il annonce également que cette simplification des textes réglementaires ne sera qu’un premier pas dans la simplification du droit : « La simplification normative a vocation à porter également sur les textes de loi ». Une mesure qui sera étudiée par le parlement dans le cadre de la large révision constitutionnelle prévue pour l’automne 2017.
La sur-transposition des directives européennes proscrite
Autre mesure prévue dans le cadre du projet de loi relatif au droit à l’erreur et à la simplification, et qui n’attendra pas l’adoption du texte : la fin de la sur-transposition des directives européennes. « Toute mesure allant au-delà des exigences minimales de la directive est en principe proscrite ».
Le Premier ministre va même plus loin, expliquant que sont concernées les transpositions existantes : « Toutes les sur-transpositions identifiées qui n’auront pu être justifiées feront l’objet d’un réalignement sur le niveau de contrainte exigé par l’Union européenne ».
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