Interrogé sur France Inter le 16 janvier le Premier ministre s’est, pour la première fois, publiquement montré favorable à la suppression des départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne).
Une prise de position dans le droit fil de l’allocution de François Hollande, le 14 janvier. Les conseils généraux « situés dans les grandes aires métropolitaines devront redéfinir leur avenir », avait prôné le chef de l’Etat.
Ayrault pour la suppression des départements de… par lemondefr
Le satisfecit du MEDEF – La loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles (MAPAM), définitivement voté le 19 décembre par le Parlement, ne va pas aussi loin. Elle prévoit, pour la région-capitale, la fusion des intercommunalités de la petite couronne au sein d’une superstructure intégrant également le territoire de la ville de Paris.
« La seconde loi de décentralisation, qui va être examinée au Sénat en avril prochain et qui devrait être retouchée et complétée pour intégrer les nouvelles orientations de l’exécutif, doit être l’occasion de concrétiser ce projet moderne, si important pour l’avenir de la zone capitale et ses habitants » a souhaité Philippe Dallier, sénateur-maire (UMP) des Pavillons-sous-Bois, qui milite depuis 2008 en faveur de l’option mise en avant par Matignon.
Christian Favier, président (PCF) du conseil général du Val-de-Marne, a, a contrario, dénoncé une méthode « qui consiste sans aucune concertation avec les élus et les populations à jouer avec des collectivités territoriales de la République comme s’il s’agissait de pièces de Lego que l’on peut désassembler et assembler à loisir ».
Le MEDEF Ile-de-France a, de son côté, salué les déclarations de Jean-Marc Ayrault. « Depuis 10 ans, nous prônons une simplification de la gouvernance de l’Ile-de-France, trop complexe, trop coûteuse pour les entreprises et trop peu efficace par rapport aux autres grandes métropoles européennes » a-t-il rappelé.
Marylise Lebranchu, la ministre en charge de la décentralisation, a rappelé avoir arrêté le principe, lors du débat sur le projet de loi MAPAM à l’Assemblée nationale, d’une étude d’impact sur la suppression des départements de la petite couronne. Celle-ci « sera remise au plus tard le 1er janvier 2015 ». Elle devra identifier les impacts « en termes budgétaires et de répartition des compétences », et devra permettre de « déterminer un calendrier et une méthode de travail ».
La matrice de la métropole de Lyon – Ce regroupement a-t-il vocation à faire boule de neige dans l’ensemble des zones urbaines ? C’est ce qu’a évoqué en tout cas François Hollande le 14 janvier, et c’est tout l’enjeu, désormais, du débat.
Jacques Pélissard (UMP), président de l’Association des maires de France, se montre ouvert à des évolutions. Il met en avant les mérites de la métropole particulière de Lyon, pour laquelle le projet de loi MAPAM prévoit expressément la fusion des compétences intercommunales et départementales. « Une structure lisible et responsable en matière sociale comme économique garantit l’efficacité », tire-t-il comme conclusion.
« Il y a trop de collectivités », approuve la présidente de Lille Métropole, Martine Aubry (PS), tout en plaidant pour une démarche progressive.
La disparition de tous les conseils généraux, préconisée par les dirigeants de l’UMP, fait son chemin à gauche. Certains, au sein de la majorité, évoquent leur transformation en des agences dotées d’un statut d’établissement public, qui agiraient au nom des régions sur les routes ou les collèges et de l’Etat pour les allocations de solidarité.
Les réserves de l’ADF – Face à cette offensive, Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, est sorti de sa torpeur.
« Il serait, selon lui, périlleux d’envisager une telle évolutions institutionnelle sans en mesurer toutes les conséquences ». « Il apparaît déterminant, pour le cas spécifique du Grand Paris, d’assurer dans un premier temps une mise en place effective et efficiente de la nouvelle métropole, avant d’envisager un approfondissement de l’intégration des différents niveaux de collectivités présents sur ce territoire. De la même façon, il semble important d’attendre la mise en place des autres métropoles avant d’envisager d’éventuel rapprochement avec les départements concernés, tous ne ressemblent pas, loin de là, au Rhône », a plaidé Claudy Lebreton.
La clause de compétence générale en question – Par ailleurs, on en sait un peu plus sur la « clarification stricte des compétences », souhaitée par François Hollande lors de sa conférence de presse. Ce dispositif passe, d’après Marylise Lebranchu, ministre en charge du dossier, par des compétences exclusives qui seront attribuées aux régions dans le cadre du deuxième projet de loi de décentralisation. Un texte dont l’examen parlementaire est annoncé au printemps.
Jacques Pélissard (UMP), président de l’Association des maires de France approuve cette spécialisation. « Je regrette qu’on ait perdu dix-huit mois du fait du rétablissement de la clause de compétence générale des départements et des régions annoncé par le même François Hollande à la Sorbonne en octobre 2012 », glisse-t-il au passage.
Vers une réduction du nombre de régions – La réduction du nombre de régions, également évoquée par le Président lors de sa conférence de presse du 14 janvier, fait plus de vagues. « Une vieille idée technocratique », a tonné Alain Rousset (PS).
« Ça revient à créer des principautés qui vont être en rivalité avec l’Etat », a fustigé Henri Guaino, député UMP, sur I-Télé.
Du côté de l’exécutif, on se garde de donner un chiffre. On entend simplement redessiner les périmètres dénués de pertinence, indépendamment de leur taille. Déjà, une partie des élus picards se mobilise contre un redécoupage. Exactement comme en 2009, lors de la publication du rapport « Balladur » dont, sur ce point, le discours présidentiel se rapproche.
Le Sénat en soutien – Le pouvoir table, en revanche, sur le concours de la Haute assemblée. Dans un rapport publié en octobre 2013, au nom de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, les sénateurs Yves Krattinger (PS) et Jean-Pierre Raffarin (UMP) ont prôné « huit à dix régions » exclusivement dotées de compétences stratégiques (aménagement du territoire, développement économique, formation et emploi).
Il s’agit, par-là, d’éviter les doublons avec des départements recentrés sur l’action sociale et leurs missions de proximité. Afin de parvenir à cela, des sénateurs militent pour que soit levée l’obligation de passer par la voie du référendum, introduite par la loi du 16 décembre 2010. Cela suffira-t-il ? Assurément, non.
Aussi, François Hollande a-t-il enfoncé le clou le 14 janvier : « Il y aura des incitations puissantes qui seront introduites et les dotations de l’Etat varieront selon les regroupements qui seront faits. » Reste, maintenant, au gouvernement à définir les modalités de ce mécanisme…
Le casse-tête du pouvoir réglementaire local d’adaptation
«Les régions se verront confier un pouvoir réglementaire local d’adaptation » a affirmé François Hollande, le 14 janvier, dans le droit fil de son discours de campagne sur les territoires, le 3 mars 2012 Dijon. Et Alain Rousset (PS), président de l’ARF d’applaudir ; tandis que l’ancien ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement (MRC) met en garde contre « la landerisation de la France dans une Europe post-démocratique ».
De la conformité à la compatibilité – Au-delà des oppositions politiques, la mise en œuvre de la promesse présidentielle se révèle juridiquement complexe. L’adaptabilité des normes au plan local se heurte, à cadre constitutionnel constant, à deux principes : celui de l’unité de la République et celui de l’égalité.
Selon la juriste Géraldine Chavrier, l’adaptabilité consiste à laisser aux collectivités le soin de prendre les mesures complémentaires pour rendre la norme en prise avec la réalité. [Lire son interview]
En son temps, le sénateur (UMP) Eric Doligé avait rédigé une proposition de loi selon laquelle le préfet disposerait de ce pouvoir d’adaptation. Une solution médiane, mais qui laisserait encore au pouvoir étatique une maîtrise normative importante, puisque les solutions alternatives que le représentant de l’Etat pourrait prendre devraient, à chaque fois être envisagées par décret.
« Les décrets doivent cesser d’être bavards et trop précis. Nous sommes sur des normes de troisième niveau d’importance, qui n’exigent pas d’être fixées au niveau étatique, pour respecter les exigences constitutionnelles et notamment le principe d’égalité », explique la constitutionnaliste. Qui ouvre également une seconde piste : à l’instar de ce qui fonctionne en matière de planification d’urbanisme, il serait possible de s’inscrire dans un rapport de « compatibilité » (et non de conformité) pour envisager un embryon de pouvoir réglementaire local.
[Voir notre infographie : 30 ans de décentralisation en 1 infographie]