Dotations et autonomie fiscale
Comment dĂ©finissez-vous la relation qu’entretient « votre » candidat avec les Ă©lus locaux ?
Philippe Dallier : Quand Nicolas Sarkozy parle de corps intermĂ©diaires, il ne vise pas les Ă©lus locaux. A l’UMP, nous sommes nombreux Ă considĂ©rer qu’il faut un acte III de la dĂ©centralisation. Nous estimons simplement que les collectivitĂ©s locales ne peuvent ĂŞtre utilisĂ©es comme « boucliers sociaux » face au gouvernement.
Olivier Dussopt : Au contraire de Nicolas Sarkozy, François Hollande a confiance dans les Ă©lus locaux. Il est l’un d’entre eux. Il a su tisser des liens très forts avec tous ceux, Ă gauche, qui administrent les collectivitĂ©s municipales, dĂ©partementales et rĂ©gionales. Plus de la moitiĂ© de ses soixante propositions ne peuvent s’appliquer sans le concours des territoires. Si nous l’emportons, nous prĂ©senterons un acte III de la dĂ©centralisation au Parlement avant la fin de l’annĂ©e 2012. Cette rĂ©forme supprimera le conseiller territorial et clarifiera les compĂ©tences de chacun. Dans le mĂŞme temps, nous maintiendrons et garantirons le niveau des dotations de l’Etat durant toute la durĂ©e du quinquennat. En cas de retour de la croissance, la contribution aux collectivitĂ©s sera augmentĂ©e en vertu d’une clause de retour Ă meilleure fortune.
N’est-ce pas lĂ que se situe le principal clivage ?
P. D. : La ligne de partage, c’est effectivement la rationalisation. Nous voulons un système public local plus efficace et moins coĂ»teux lĂ oĂą, de l’autre cĂ´tĂ©, on se contente de dire qu’on va davantage dĂ©centraliser. La diminution de l’enveloppe normĂ©e s’imposera Ă nous si la situation Ă©conomique se tend encore.
O. D. : On connaît le refrain, la gauche va transférer toutes les compétences aux collectivités, augmenter les impôts et plonger la France dans la situation de la Grèce !
P. D. : Je n’ai jamais dĂ©clarĂ© cela ! J’ai simplement dit que l’Etat n’avait plus de visibilitĂ©. Ses recettes fiscales se sont effondrĂ©es de 25 % en 2009. Pourtant, il a fait de nombreux efforts. La dotation de solidaritĂ© urbaine a plus que doublĂ©. Elle est passĂ©e de 600 millions d’euros en 2004 Ă 1,3 milliard aujourd’hui. Alors, de grâce, arrĂŞtez de hurler avant d’avoir mal !
Nicolas Sarkozy veut tout de mĂŞme baisser les dotations aux collectivitĂ©s et aux intercommunalitĂ©s de plus de 30 000 habitants qui remplacent plus d’un fonctionnaire sur deux partant Ă la retraite…
P. D. : C’est un sujet extrĂŞmement compliquĂ©. Les dĂ©lĂ©gations de service public Ă des entreprises privĂ©es n’entrent pas dans ce calcul. Elles ont pourtant un coĂ»t pour le contribuable parfois plus Ă©levĂ© que le travail en rĂ©gie. De mĂŞme, la palette des compĂ©tences varie fortement d’une interco Ă une autre. C’est la raison pour laquelle je suis davantage favorable Ă des critères fondĂ©s sur des ratios de coĂ»t par compĂ©tence et par strate dĂ©mographique.
O. D. : Nous n’acceptons pas cette condamnation a priori des Ă©lus. Les collectivitĂ©s ne sont pas responsables de l’endettement. Elles sont assujetties Ă la règle d’or. La proposition du candidat sortant est tout Ă fait contraire au principe d’autonomie des collectivitĂ©s affirmĂ© par la Constitution. Celles-ci doivent de nouveau disposer d’une fiscalitĂ© dynamique Ă leur main. Cela passe notamment par des pouvoirs sur la dĂ©termination du taux de la cotisation sur la valeur ajoutĂ©e des entreprises (CVAE).
P. D. : Revenir Ă des taux modulables en fonction des territoires comme vous le souhaitez, c’est permettre aux plus riches de fixer des taux bas. Dans le mĂŞme temps, vous ne cessez de pointer le risque d’une compĂ©tition entre les territoires. Vous n’ĂŞtes pas Ă une contradiction près ! ArrĂŞtons de nous plaindre de notre manque d’autonomie fiscale et budgĂ©taire. N’oublions pas que nous sommes plutĂ´t bien lotis par rapport Ă nos collègues allemands et anglais.
Lien avec l’Etat et cumul des mandats
Comment comptez-vous rĂ©tablir la confiance entre les collectivitĂ©s et l’Etat ?
P. D. : Je suis plutĂ´t partisan que certaines compĂ©tences très coĂ»teuses pour les dĂ©partements, comme le revenu de solidaritĂ© active (RSA) et l’allocation personnalisĂ©e d’autonomie (APA), Ă la charge des dĂ©partements, soient recentralisĂ©es.
O. D. : Vous mettez le doigt sur ce que nous dĂ©nonçons depuis ces transferts, en 2004. Les modalitĂ©s et le niveau de compensation entraĂ®nent de graves difficultĂ©s pour nos conseils gĂ©nĂ©raux. Dans ces domaines, gardons un mĂ©canisme d’Etat. Sinon, le risque d’une rupture de l’Ă©galitĂ© entre les territoires serait trop grand.
Souhaitez-vous relancer la ConfĂ©rence nationale des exĂ©cutifs Etat-collectivitĂ©s qui ne s’est plus rĂ©unie depuis avril 2010 ?
O. D. : François Hollande a indiquĂ© la voie dans son discours de Dijon, le 2 mars 2012. Il a appelĂ© Ă un dialogue Etat-collectivitĂ©s beaucoup plus construit sur les questions d’autonomie fiscale, de pĂ©rĂ©quation et de normes. Cela passe par un haut-conseil des territoires, rassemblant des reprĂ©sentants du SĂ©nat et des associations d’Ă©lus, et regroupant notamment les actuels ComitĂ© des finances locales et Commission consultative d’Ă©valuation des normes.
P. D. : Dès qu’un problème se prĂ©sente, vous crĂ©ez une commission ! Quel travers français ! Nous avons dĂ©jĂ une institution qui reprĂ©sente les collectivitĂ©s : le SĂ©nat. Le dialogue doit donc, avant tout, se dĂ©rouler en son sein. C’est d’ailleurs ce que dit la Constitution. Nous n’avons pas Ă transfĂ©rer le pouvoir aux associations d’Ă©lus et Ă une commission extra-parlementaire. Fort heureusement, nous ne sommes pas soumis Ă un mandat impĂ©ratif. Si, au Parlement, des majoritĂ©s, fussent-elles de rencontre, veulent dĂ©faire ce que vous avez dĂ©cidĂ© dans votre commission « tartemuche », elles le feront !
O. D. : Mais nous ne proposons ni commission ni transfert !
P. D. : Alors de quoi parlez-vous ?
O. D. : D’un lieu oĂą seront rĂ©unies toutes les parties prenantes et qui permettra, en cas de restriction du cumul des mandats, de garder le lien avec les territoires.
Quel serait le périmètre de cette limitation du cumul des mandats ?
O. D. : François Hollande a Ă©tĂ© clair : les parlementaires et les ministres ne pourront pas prĂ©sider l’exĂ©cutif d’une collectivitĂ© ou d’une intercommunalitĂ© Ă fiscalitĂ© propre. Et ce mouvement doit s’accompagner d’un renforcement du statut des Ă©lus.
P. D. : Vous voulez laver plus blanc que blanc. Vous faites croire Ă nos concitoyens que le cumul est une horreur absolue. C’est assez dĂ©solant. Avec le mandat unique, le maire en place qui perdra les Ă©lections n’aura plus rien. S’il n’est ni fonctionnaire, ni profession libĂ©rale, il ira « pointer » au RSA car sa « boĂ®te d’origine » ne voudra pas de lui. Au SĂ©nat, beaucoup de mes collègues socialistes, et mĂŞme certains Ă©lus Verts, sont très rĂ©servĂ©s face Ă cette mesure.
O. D. : Si j’Ă©tais moi-mĂŞme un militant acharnĂ© du mandat unique, je ne serais pas dĂ©putĂ© maire. Mais c’est ainsi. Cette remise en ordre et cette longue marche vers l’Ă©thique vont dans le sens de l’Histoire.
P. D. : Dans le sens du vent, vous voulez dire !
Organisation Ă la carte et pouvoir normatif
Etes-vous partisan d’une organisation politique et administrative Ă la carte ?
P. D. : Le conseiller territorial est le bon instrument pour sortir du modèle napolĂ©onien dans lequel sont structurĂ©es exactement de la mĂŞme manière la Seine-Saint-Denis et la Lozère. Les Alsaciens qui sont en train de constituer une collectivitĂ© unique rĂ©gion-dĂ©partements nous donnent une bonne leçon ! Ailleurs, si la base prend la dĂ©cision, on n’ira pas très loin. Sur le Grand Paris, c’est au chef de l’Etat d’impulser la direction. Or François Hollande s’en remet aux Ă©lus rĂ©unis dans le syndicat mixte d’Ă©tudes Paris mĂ©tropole. Comme pour sa commission « tartemuche » ! Il veut fĂ©dĂ©rer tout ce qui existe, c’est-Ă -dire ajouter une nouvelle couche dans le millefeuille sans rien changer Ă l’existant ! Claude Bartolone (prĂ©sident PS du conseil gĂ©nĂ©ral de la Seine-Saint-Denis), Bertrand Kern (prĂ©sident PS de la communautĂ© d’agglomĂ©ration Est Ensemble dans la Seine-Saint-Denis) et beaucoup de collègues de province comme GĂ©rard Collomb (maire PS de Lyon) jugent pourtant que les dĂ©partements n’ont plus de raison d’ĂŞtre en petite couronne (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis). Il faut aller vers la fusion avec les intercommunalitĂ©s. HĂ©las, nous n’avançons pas parce que Jean-Paul Huchon (prĂ©sident PS de la rĂ©gion Ile-de-France) n’entend pas bouger et que Bertrand DelanoĂ« (maire PS de Paris) dĂ©pend de lui pour financer son tramway.
O. D. : L’ArdĂ©chois que je suis n’est pas le plus Ă mĂŞme pour vous rĂ©pondre. Tout ce que je peux vous dire, c’est que François Hollande souhaite que la position des Ă©lus soit mieux prise en compte, notamment au sein de la SociĂ©tĂ© du Grand Paris (chargĂ©e de mettre en Ĺ“uvre les projets de transports et d’amĂ©nagement, ndlr) aujourd’hui dominĂ©e par l’Etat. Nous savons aussi que, en termes de transports ou de logements, nous ne pouvons pas en Ile-de-France rester sur un dĂ©coupage classique commune-dĂ©partement-rĂ©gion.
Les prérogatives des régions doivent-elles être augmentées ?
O. D. : Nous souhaitons renforcer leurs pouvoirs dans le domaine de l’emploi et de la formation professionnelle. Leurs schĂ©mas rĂ©gionaux d’amĂ©nagement du territoire doivent devenir prescriptifs. Il faut aussi que les rĂ©gions prennent les compĂ©tences en matière de dĂ©veloppement Ă©conomique qui leur ont Ă©tĂ© refusĂ©es, en 2004, par le gouvernement et le Parlement. Enfin, nous souhaitons, après autorisation du Parlement, leur donner un pouvoir quasi-normatif pour adapter au cas par cas un certain nombre de lois Ă la rĂ©alitĂ© des territoires.
P. D. : Que l’on puisse moduler, sous le contrĂ´le du Parlement, l’organisation territoriale, très bien. Mais au nom de l’Ă©galitĂ© rĂ©publicaine, ne mettons pas le doigt dans l’engrenage de l’adaptation des lois. Je vois trop les excès en termes de dĂ©ficits publics et d’endettement auxquels peut conduire le fĂ©dĂ©ralisme en Espagne.
Quels seraient, en cas de victoire de François Hollande, les modes de scrutin aux élections cantonales et régionales ?
O. D. : Notre réflexion se poursuit pour les cantonales. En ce qui concerne les régionales, nous sommes favorables au mode de scrutin appliqué en 2004 et 2010.
P. D. : Mais personne ne connaĂ®t ses conseillers rĂ©gionaux ! Le scrutin de liste favorise l’Ă©loignement. Les contribuables ne font pas le lien entre la feuille d’impĂ´ts et les dĂ©cisions de tel ou tel Ă©lu. La remarque vaut aussi pour les cantonales en milieu urbain. Rien n’a changĂ© depuis l’Ă©poque de Coluche. Quand arrivent les cantonales dans la Seine-Saint-Denis, les Ă©lecteurs se demandent toujours s’ils ne vont pas Ă©lire le cantonnier !








