Réponse du ministère chargé des Collectivités territoriales et de la ruralité : L’article 217 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (loi dite « 3DS ») est venu clarifier les situations dans lesquelles les élus locaux doivent se déporter lors des délibérations et des prises de décision des organes dans lesquels ils siègent, afin de prévenir les situations de conflits d’intérêts.
Figurent notamment parmi les cas de déport obligatoire les délibérations ou décisions attribuant une aide revêtant la forme d’une subvention.
Toutefois, il convient de noter que ces nouvelles dispositions s’appliquent aux seuls élus représentant leur collectivité ou groupement auprès d’une autre personne morale en application de la loi. Ainsi, sauf disposition législative prévoyant une telle désignation, la participation d’un élu municipal aux délibérations de sa collectivité attribuant une subvention à une association ne s’inscrit pas dans ce cadre.
En tout état de cause, les élus doivent se déporter dans le cas d’une situation manifeste d’interférence entre intérêts publics ou entre intérêts publics et privés, de nature à compromettre leur impartialité, leur indépendance ou leur objectivité dans leurs fonctions (aux termes de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et de l’article 432-12 du code pénal).
Le non-respect de cette obligation est susceptible de fonder, d’une part, la qualification pénale de prise illégale d’intérêts et, d’autre part, l’illégalité de la délibération. S’agissant du délit de prise illégale d’intérêts, celui-ci est constitué, aux termes de l’article 432-12 du code pénal, par « le fait, par une personne […] investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».
La Cour de cassation a ainsi jugé que des élus municipaux qui avaient participé aux votes ou aux délibérations concernant les subventions allouées par la commune aux associations qu’ils président s’étaient rendus coupables de prise illégale d’intérêts, alors même qu’ils n’en avaient retiré aucun bénéfice et que la collectivité n’avait souffert d’aucun préjudice. Le juge a en effet considéré que les élus municipaux sont soumis à l’obligation de veiller à la parfaite neutralité des décisions d’attribution des subventions à ces associations (Cour de cassation, chambre criminelle, 22 octobre 2008, req. n° 08-82.068).
En outre, il a été jugé que la participation, même exclusive de tout vote, d’un conseiller d’une collectivité territoriale à un organe délibérant d’une association, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l’opération au sens de l’article 432-12 du code pénal (Cour de cassation, chambre criminelle, 9 février 2011, req. n° 10-82988).
Le délit de prise illégale d’intérêts peut être constitué lorsque l’élu participe aux seules étapes du processus de décision (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 avril 2018, req. n° 17-81.912) ou à une réunion informelle (Cour de cassation, chambre criminelle, 20 janvier 2021, req. n° 19-86.702).
Au regard de ce risque pénal, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique invite, dans son guide déontologique, les élus à se déporter de toute décision relative aux associations où ils exercent des fonctions, même à titre bénévole, en tant que représentant de la collectivité, « notamment les décisions leur octroyant des subventions et portant sur les contrats susceptibles d’être conclus avec elles » (Guide déontologique II, Contrôle et prévention des conflits d’intérêts).
S’agissant par ailleurs du risque d’annulation de la délibération, l’article L. 2131-11 du CGCT dispose que « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ».
La jurisprudence administrative retient l’illégalité de la délibération si l’élu intéressé à l’affaire a un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants (Conseil d’État, 1er juillet 2019, req. n° 410714) et, de manière cumulative, s’il a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération (Conseil d’État, 12 octobre 2016, req. n° 387308).
Ainsi, le Conseil d’État a jugé que les conseillers municipaux, président et membres du conseil d’administration d’une association gérant une maison de retraite, ont intérêt à l’affaire et que leur participation entache d’illégalité les délibérations accordant des garanties d’emprunt à l’association (Conseil d’État, 9 juillet 2003, req. n° 248344).
Par ailleurs, la participation de l’élu intéressé, même exclusive de tout vote, aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une délibération est susceptible de vicier sa légalité, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération (Conseil d’État, 12 octobre 2016, req. n° 388232). À ainsi été jugée illégale une délibération prise par la commune sur le rapport de l’élu intéressé, qui a également présidé la séance et pris part activement aux débats, exerçant ainsi une influence sur cette décision (Cour administrative d’appel de Lyon, 29 avril 2021, req. n° 19LY02640).
De manière générale, afin d’éviter tout risque pénal ou d’annulation, et sous réserve de l’appréciation souveraine du juge, il appartient aux élus intéressés à une affaire de s’abstenir d’intervenir dans les travaux préparatoires de la délibération.
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