« Si la conjoncture est marquée par la pandémie, il est important de rappeler qu’elle intervient alors que le monde de l’art lyrique s’interroge depuis quelques années sur sa structure et son avenir », souligne Guy Saez, directeur de recherche émérite au CNRS (laboratoire de sciences sociales PACTE, Université de Grenoble Alpes), et auteur de la note de synthèse « Observation de l’art lyrique en France 2018-2020 », réalisée pour le compte de la Réunion des opéras français (ROF) et de l’Observatoire des politiques culturelles (OPC).
Et d’ajouter qu’aujourd’hui « les facteurs essentiels qui concourent à la dynamique du domaine culturel – l’appétit des spectateurs, les habitudes de fréquentation, le niveau du tourisme – ne semblent pas renouer avec ‘’le monde d’avant’’.
Des perspectives empreintes d’inquiétude, qui se dessinent pour la trentaine d’institutions lyriques en région (dont 23 ont répondu au questionnaire de l’enquête), alors que l’ensemble du spectacle vivant aborde 2023 dans un climat d’inquiétude maximale.
L’étude met en lumière l’impact de la crise sanitaire, avec ses périodes d’arrêt, puis d’activité réduite (effort financier inédit des pouvoirs publics, effondrement de la billetterie et du nombre de levers de rideaux…)
Des grandes disparités dans les prix des places d’opéra
Au-delà de la dimension conjoncturelle de la crise sanitaire, l’analyse de certains items permet aussi de cerner quelques tendances de fond du secteur lyrique. En matière de grille tarifaire, par exemple, l’étude met en lumière des prix plus élevés que dans d’autres secteurs du spectacle vivant, avec « un écart important – du simple au double – entre les prix des places des spectacles lyriques et ceux des autres manifestations. »
D’une maison d’opéra à l’autre, les politique tarifaire présentent aussi des différences sensibles, avec un important fossé entre les moyennes des tarifs les plus élevés et les plus bas. De même, les tarifs « jeune public », très inférieurs aux autres. Preuve de l’intérêt que portent les responsables d’équipements à ce public.
L’auteur explique les différences tarifaires au sein du secteur lyrique par le fait que « le coût d’une place à l’opéra varie grandement selon le type de spectacle, le prestige de la maison, l’importance du personnel permanent et les aides qu’elle reçoit. »
ONP = Opéra national de Paris
(Source : Observation de l’art lyrique en France 2018-2020)
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Forte baisse de l’emploi non permanent
Autre tendance de fond : la régression de l’emploi. L’auteur rappelle l’« érosion continue mais limitée [observable] depuis 2014 avec la perte d’une trentaine d’ETP entre 2016 et 2017. » Mais avec un point de bascule en 2020, lorsque la crise sanitaire fait plonger le secteur « dans une récession inédite, puisque le monde de l’art lyrique a perdu 452 ETP, dont 257 pour les opéras en région (4 961 ETP) en 2018, 4 509 en 2020). »
Pour ce qui est des opéras territoriaux, les effectifs globaux sont passés d’un peu plus de 11 000 en 2019 à près de 10 300 en 2020. Evolution qui se fait au détriment des non-permanents.
ONP = Opéra national de Paris
(Source : Observation de l’art lyrique en France 2018-2020)
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65% d’emplois publics dans les opéras en région
En 2019, hors opéras parisiens, la part des ETP à statut public s’élève à 65%. Un ratio « quasi stable » en 2020, note Guy Saez, qui souligne qu’il « peut considérablement varier selon le régime juridique adopté par chacune des maisons. »
Et de préciser que « le nombre de contrats privés représente 34 % de la masse des emplois des opéras en région en 2020 et qu’il avait tendance à progresser lentement mais régulièrement depuis plusieurs années. »
Part de l’emploi artistique supérieure à celle des autres secteurs
Pour ce qui est de la proportion de la part artistique dans la masse salariale globale, le ratio, dans l’ensemble des opéras territoriaux, est passé de 55% en 2018, à 50% en 2020. Des résultats bien supérieurs à ceux de l’ensemble du spectacle vivant, où ce ratio est passé de 24-26% en 2018 à 17% en 2020.
Pour Guy Saez, l’état des lieux en matière de ressources humaines apporte un signal positif pour l’avenir, puisque « malgré une perte considérable d’emplois en 2020, les équilibres fondamentaux de la gestion des ressources humaines dans les maisons d’opéra restent solides et sans doute peut-on parler ici d’un rétablissement qui se confirme. »
Références
- Observation de l’art lyrique en France 2018-2020
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