C’est la fin du parcours législatif pour le budget rectificatif. La loi de finances rectificative pour 2022 (LFR) vient de paraître au « Journal officiel » du 17 août après l’accord entre les députés et sénateurs en commission mixte paritaire et la validation du texte par le Conseil constitutionnel malgré quelques réserves sur la suppression de la redevance, respectivement le 3 août et 12 août dernier.
Suppression de la redevance audiovisuelle, augmentation de 3,5% du point d’indice des fonctionnaires remise sur le carburant, prolongement du bouclier tarifaire sur l’énergie ou encore renationalisation d’EDF… La LFR ouvre plus de 20 milliards d’euros de crédits. Elle complète et finance les mesures de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat publiée le même jour au Journal officiel.
Concernant les collectivités, la LFR ouvre près de 600 millions d’euros de crédits nouveaux. Passage en revue des principales mesures obtenues par les régions, départements et communes.
Une aide financière pour les communes les plus fragiles pour compenser la hausse du point d’indice et l’inflation
C’est l’un des principaux apports des parlementaires pour les collectivités. Ce dispositif de compensation voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale a été obtenu après le vote par les oppositions de la compensation intégrale de la hausse du RSA pour les départements pour un coût de 120 millions d’euros contre l’avis du gouvernement et de la majorité. Le mécanisme de compensation pour les communes les plus en difficulté compensera la moitié de l’augmentation des dépenses liées à la revalorisation des salaires des fonctionnaires territoriaux avec la hausse du point d’indice de 3,5 %. Il prendra en charge également une partie des conséquences de l’inflation sur les budgets communaux en remboursant 70 % de la hausse des dépenses d’énergie et d’alimentation.
Il devait à l’origine s’élever à 300 millions d’euros et bénéficier à 5 500 communes environ. Mais les sénateurs ont élargi les conditions d’éligibilité de cette aide, les jugeant « trop restrictives ». Elle s’élèvera donc à 430 millions d’euros et devrait bénéficier à trois fois plus de communes. Pour en bénéficier, les communes devront avoir un taux d’épargne brute inférieur à 22% de leurs recettes réelles de fonctionnement au 31 décembre 2021. Et ce taux devra avoir baissé de plus d’un quart entre la fin 2021 et la fin 2022.
Modification des compensations pour les syndicats
Comme attendu, la majorité a profité du budget rectificatif pour rectifier la compensation de la suppression de la taxe d’habitation. Il faut dire que c’était devenu une obligation après la décision du 17 mars 2022 du Conseil constitutionnel obtenue par la commune de la Trinité une bataille judiciaire de deux ans. Les membres du Conseil avaient déclaré inconstitutionnelles certaines dispositions relatives aux communes membres d’un syndicat de communes. En effet, l’Etat avait laissé un angle mort dans le dispositif de compensation de la taxe d’habitation pour les communes membres d’un syndicat à contributions fiscalisées. Contrairement à la promesse de compensation à l’euro près du gouvernement lors de la disparition de la taxe d’habitation sur les résidences principales, aucune compensation n’a été prévu pour la part de taxe d’habitation « intercommunale » perçue via une fiscalité additionnelle, c’est-à-dire que les syndicats intercommunaux perçoivent une fraction, ou la totalité, du produit de certains des impôts locaux communaux. « Il y avait donc une différence de traitement manifeste entre les communes », analyse Martin Tissier, avocat associé en droit public chez Bersay.
Un amendement gouvernemental et un amendement du député (LREM) du Gers et rapporteur général du Budget, Jean-René Cazeneuve, et de l’ancien ministre des collectivités et député (LREM) des Hautes-Alpes, Joël Giraud, ont rectifié cet oubli. A compter de 2022, 2 350 communes pourront être intégralement compensées par l’intégration dans le calcul du coefficient correcteur du taux de taxe d’habitation d’un syndicat financé par fiscalité additionnelle. « Cela représente 100 millions d’euros versés a plusieurs milliers de communes lésées chaque année. Et 100 de plus pour compenser le passé. Victoire totale », s’est réjoui sur LinkedIn le directeur général des services de La Trinité, Cédric Omet.
10 millions d’euros pour faire face aux demandes de passeports et de cartes d’identité
Pour répondre à la forte hausse des demandes de délivrance de cartes d’identité et de passeports au début de l’année 2022 et pour réduire les temps d’attente, le budget rectificatif débloque 10 millions d’euros pour les communes chargées d’enregistrer les demandes. Cette somme sera versée par l’intermédiaire de la dotation pour les titres sécurisés.
Concrètement, en complément de la dotation annuelle de 12 000 € versée à chaque commune disposant d’un dispositif de recueil, une dotation supplémentaire de 4 000 € sera attribuée pour tous les nouveaux dispositifs de recueil installés entre le 1er avril et le 31 juillet 2022. 4 000 € seront aussi attribués aux dispositifs de recueil déjà installés dont le taux d’utilisation mensuel moyen sur la période du 1er avril au 31 juillet 2022 progresse de plus de 40 points de pourcentage par rapport à la moyenne annuelle 2021 ou aux dispositifs de recueil dont le taux d’utilisation dépasse en moyenne le seuil de 50 % du taux d’utilisation sur la période 1er avril 31 juillet 2022. Ces dotations s’ajoutent aux 4 000 € versés par l’Agence nationale des titres sécurisés aux communes pour l’ouverture d’un centre temporaire, ou à l’ouverture d’un centre pérenne sur un nouveau site.
« Avec près de 350 nouveaux dispositifs de recueil d’ici octobre, 160 nouveaux collaborateurs en préfectures dédiés depuis le début de l’année et le développement de la pré-demande en ligne, ce sont d’ores et déjà près de 40 000 demandes supplémentaires qui peuvent être recueillies chaque semaine », précise Caroline Cayeux, la ministre déléguée chargée des collectivités, dans un communiqué.
Compensation pour les régions de la revalorisation de la rémunération des apprentis
Les sénateurs ont obtenu par l’intermédiaire d’un amendement du sénateur (LR) et rapporteur général du budget, Jean-François Husson, la compensation financière intégrale par l’État de la revalorisation de 4 % au 1er juillet 2022 des rémunérations des apprentis. Cette mesure se chiffre à 18 millions d’euros au bénéfice des régions.
Rallonge budgétaire de 5 millions d’euros pour les pompiers
Ce même sénateur a également fait voter une augmentation de 5 millions d’euros de la prise en charge par l’État des dépenses des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) intervenant en renfort des départements touchés depuis plusieurs semaines par des feux de forêts.
Ciblage de la péréquation sur la CVAE sur les départements qui en ont le plus besoin
Sur demande de l’Assemblée des départements de France, les parlementaires ont adopté l’ajout d’un nouveau critère pour que les départements voyant leur produit de CVAE baisser de plus de 5% puisse bénéficier de la garantie évitant une perte sur cette recette fiscale supérieure à 5 %.
Pour éviter que la somme des garanties soit supérieure à l’enveloppe du fonds CVAE à cause de la crise sanitaire, les départements qui connaissent une baisse de plus 5% de leurs recettes de CVAE devront avoir en plus un produit de CVAE par habitant inférieur d’au moins 20 % à la moyenne.
Avec ce nouveau critère, le nombre de départements éligibles passerait en 2022 de 25 à 9 pour un montant total de 5,3 millions d’euros. Cette mesure est indolore pour les finances publiques de l’Etat car la garantie est financée par un prélèvement sur le fonds national de péréquation de la CVAE.
Références
Domaines juridiques