Le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, a annoncé à l’AFP jeudi 28 juillet que les missions confiées par l’État aux cabinets de conseil allaient être plafonnées à 2 millions d’euros par projet.
Une annonce attendue, puisque le gouvernement doit dévoiler vendredi 29 juillet les contours du nouvel accord-cadre de recours aux cabinets de conseil par l’État, pour la période 2023-2027. Des prestations d’un montant supérieur pourraient toutefois être possibles, et faire l’objet d’un appel d’offres distinct.
« Il s’agit, à ce stade, d’une simple annonce concernant l’État qui méritera une clarification, car on ne sait pas précisément s’il s’agira d’imposer une procédure d’appel d’offre ou s’il s’agit d’un réel plafonnement avec l’impossibilité d’y recourir. Après un quinquennat où le recours aux cabinets de conseils par l’État s’est élevé à 226 M€, l’effort de transparence est naturellement louable. Pour autant, il convient de rappeler, comme le soulignait le rapport sénatorial d’Eliane Assassi et Arnaud Bazin, que les montants se chiffraient plutôt en dizaines de milliers d’euros pour chacune des prestations de services, donc très loin du seuil des 2 M€ annoncé par le Ministre », réagit auprès de la Gazette Johan Theuret, pour le think tank le Sens du service public.
En effet, selon les travaux de la commission d’enquête du Sénat, le montant annuel moyen d’une prestation est bien inférieure à 2 millions : il varie en moyenne entre 966 euros (expertise en assurance) et 84 077 euros (audit et conseil stratégie SI).
Transparence
Dans le détail, sur les 1600 contrats passés par l’État depuis 2015, seulement 69 étaient au-dessus de ce plafond de 2 millions d’euros, ce qui équivaudrait à une dizaine de prestations par an, selon les calculs du Monde.
Afin d’encadrer ces pratiques, les sénateurs ont déposé une proposition de loi transpartisane le 21 juin dernier. Cette proposition de loi, qui devrait être examinée en octobre prochain, est prise « très au sérieux » par Stanislas Guerini, comme celui-ci l’avait exprimé sur Public Sénat, citant notamment les propositions relatives à la déontologie, le contrôle, la transparence. Côté Assemblée nationale, Eric Coquerel (LFI Nupes) avait annoncé début juillet vouloir lancer une mission d’information sur le recours à ces cabinets par la puissance publique.
Perte de compétences
« Le Sens du service public rappelle que le recours aux cabinets de conseil doit surtout se faire dans le respect des règles de la commande publique, ce qui signifie que même en dessous des seuils des marchés publics, une entité adjudicatrice doit respecter dès le premier euro les principes d’égalité de traitement des candidats, de la liberté d’accès et de la transparence. L’application de ces principes éviterait des recours parfois trop systématiques à certains cabinets. Par ailleurs, le recours parfois excessif à ces cabinets de conseil témoigne, soit d’une méconnaissance des compétences existantes dans les services de l’État, soit d’une volonté délibérée de faire perdre des compétences acquises pour les transmette au secteur privé. Ce sont ces deux mouvements de fond pour lesquels la vigilance doit être renforcée grâce à une transparence sur les cabinets sollicités et sur les raisons techniques du recours à ces externalisations », développe pour sa part Johan Theuret pour le Sens du service public.
En avril 2021, le collectif Nos services publics avait déjà publié une note critique sur l’externalisation, estimant à 160 milliards par an le coût du mouvement plus vaste de l’externalisation pour l’ensemble des acteurs publics (collectivités incluses), et s’alarmant de l’appauvrissement des compétences détenues en interne.
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