Bien loin du débat sur le nombre de fonctionnaires ou du « mirage de la simplification » qui resurgissent dans le cadre de l’élection présidentielle, l’ouvrage « L’Etat qu’il nous faut, des relations à renouer dans le nouveau régime climatique » (éd. Berger-Levrault, 2021) invite à se plonger dans les rouages de l’action publique. Daniel Agacinski, professeur agrégé de philosophie, Romain Beaucher, cofondateur de l’agence de design de politiques publiques Vraiment Vraiment, et Céline Danion, administratrice spécialiste des politiques culturelles, partent du constat de trois bouleversements majeurs à l’échelle nationale et internationale : creusement des inégalités, dévoiement des promesses portées par le numérique et fragmentation de l’agora qui devait permettre la tenue de discussions collectives, eux-mêmes encastrés dans les défis climatiques à venir et auxquels l’action publique du futur devra faire face.
Dans les pas du philosophe et sociologue Bruno Latour, les auteurs considèrent en effet que nous allons devoir réinventer notre façon de produire, de consommer, de travailler, de nous déplacer, et que la politque des « petits gestes » ou la technologie n’y feront rien : il faut repolitiser la figure de l’Etat afin de répondre aux défis de demain, et l’Etat doit lui-même se transformer afin de devenir plus relationnel et chercher à augmenter la capacité d’agir des citoyens dans ce nouveau régime climatique. L’Etat étant ici défini comme toutes les strates de l’organisation qu’un groupe humain se donne pour s’occuper des affaires communes, ce périmètre inclut les collectivités, elles aussi invitées à tisser de nouveaux liens entre elles, avec l’Etat et la société civile.
Selon vous, de grands défis nous attendent et impliquent que l’Etat lui-même se métamorphose…
Nous faisons face à trois défis civilisationnels : les inégalités qui explosent et apparaissent insoutenables, le numérique avec le dévoiement de ses promesses, y compris par les Etats, notamment avec la surveillance généralisée, et l’éclatement de l’agora où l’on peut avoir des discussions collectives. Le défi écologique et climatique surplombe cela : on s’inscrit dans les pas de Bruno Latour sur le nouveau régime climatique sur ce point. Des pans entiers du quotidien fonctionnent grâce à l’Etat, c’est ce que l’on a en commun, on aimerait faire de son rôle et de son fonctionnement un enjeu démocratique et politique, à quelques mois de la présidentielle. On ne pourra pas relever les défis qui nous attendent, dans un cadre démocratique, sans l’Etat, mais l’Etat actuel n’est pas câblé pour le faire.
Il nous paraît vain d’aborder ce sujet via deux grands poncifs de la campagne actuelle : la suppression des fonctionnaires ou le mirage de la simplification administrative.
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