A moins de six mois de la présidentielle, le nouveau livre de Jérôme Fourquet, directeur du département « opinion » de l’Ifop, et de Jean-Laurent Cassely, journaliste et essayiste, « La France sous nos yeux. Economie, paysages, nouveaux modes de vie » (Seuil, octobre 2021), est une radiographie de la « France d’après. » A partir de données démographiques et économiques, de variables sociologiques, de cartes, mais aussi d’articles tirés de la presse régionale ou d’extraits de romans contemporains, les deux auteurs auscultent la « grande métamorphose » de cette France d’après les Trente Glorieuses.
A la manière d’un Roland Barthes décrivant les « mythologies » de la France des années 60, celle de la DS et du Tour de France, les auteurs analysent les conséquences de la désindustrialisation, le rôle d’Amazon dans l’aménagement du territoire, la folie des tacos ou l’idéal persistant de la maison individuelle. Une grille de lecture partant du constat suivant : depuis les années 80, nous sommes passés d’une économie de la production à une économie de la consommation, des loisirs et du tourisme. Un glissement profond, qui engendre des bouleversements majeurs sur les sociabilités, les centres-villes ou les paysages. Les modes de vie, toujours influencés par la mondialisation et un substrat catholique encore prégnant, sont eux aussi modifiés par l’émergence de nouvelles « couches » culturelles. Autant de tendances lourdes, que la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer, décryptent les auteurs.
Alors que s’ouvre, le 16 novembre, le congrès des maires, le sondeur Jérôme Fourquet décrypte les enjeux de ces mutations économiques et sociologiques pour les collectivités territoriales.
Le thème de la réindustrialisation est très présent dans ce début de campagne. Vous montrez, dans votre livre, comment la fermeture d’une usine transforme en profondeur le tissu social, culturel et politique d’un territoire. Redorer l’industrie française permettrait-il de revenir à cette France « d’avant » ?
Nous avons collectivement pris conscience, avec la crise sanitaire, de l’ampleur de la désindustrialisation. Les Français se sont rendu compte que l’on ne produisait plus de paracétamol, de masques… Partant de là, certains acteurs politiques entonnent ce discours d’une nécessaire réindustrialisation du pays.
Avant la crise du Covid, le gouvernement a publié des statistiques encourageantes sur ce sujet, avec davantage de créations que de destructions de postes. Il faudra, d’une part, observer si cette tendance se confirme après le Covid. D’autre part, elle est très timide. Depuis 2008, 950 sites de plus de 50 salariés ont mis la clé sous la porte. Pour retrouver ce tissu, on mesure l’ampleur des efforts qu’il va falloir déployer.
L’industrie, par rapport à d’autres secteurs, a un avantage : elle n’est pas obligatoirement à localiser dans les grandes métropoles. Au contraire, elle cherche notamment un foncier accessible. L’exemple de la filière des éoliennes offshore est parlant : des sites ont été localisés au Havre, à Cherbourg et à Saint-Nazaire. Des villes conséquentes, mais qui ne sont pas la France des métropoles. Cette réirrigation englobe les emplois créés ainsi que les sous-traitants,
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les transporteurs… Le marché de l’immobilier est aussi redynamisé, les commerces locaux