Pour la première fois, vous avez pu agréger et examiner les comptes administratifs et financiers de l’ensemble des départements français, quel bilan tirez-vous pour l’année 2010 ?
Un bilan inquiétant. Malgré la reprise économique en France et dans le Monde, marquée par une accélération de la croissance du PIB, l’année 2010 a encore été très difficile pour les départements. Leurs investissements ont chuté de 7,5% par rapport à 2009. Et pour cause, avec une capacité d’épargne qui ne cesse de se dégrader, ils ont de moins en moins de moyens pour financer leurs dépenses d’équipement. Alors qu’en 2006, les départements avaient dégagé 9,4 milliards d’euros d’épargne brute, ils ont pu à peine ressortir 4 milliards d’euros d’excédent en 2010. Et je crains fort que ce montant soit encore plus faible en 2011.
Comment expliquez-vous une telle dégradation de la situation financière des départements ?
Par le désengagement de l’Etat. Les dépenses d’action sociale des départements explosent et en face les dotations du gouvernement ne suivent pas. En 2004, le taux de couverture, c’est-à-dire le montant des compensations de l’Etat rapporté aux dépenses sociales, atteignait 70%. En 2010, il est tombé à 57%. Et la situation va encore empirer cette année puisque l’ensemble de nos dépenses sociales devraient progresser de 847 millions d’euros pendant que les compensations de l’Etat n’augmenteront que de 256 milliards d’euros, soit un taux de couverture de seulement 55%. De plus, il n’y a pas que les compensations qui baissent, les dotations aussi : -5% en 2011.
Mais le plus inquiétant, c’est qu’à ce désengagement de l’Etat, vient s’ajouter cette année une chute des recettes fiscales à cause de la suppression de la taxe professionnelle. En 2010, la compensation relais avait permis de maintenir ces ressources, mais ce ne sera plus le cas en 2011. Les transferts d’impôts, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou encore l’impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) seront largement insuffisants pour compenser le manque à gagner.
Résultat, les recettes fiscales passeront de 22,7 milliards d’euros en 2010 à 16,04 milliards d’euros en 2011 pour l’ensemble des départements.
Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ont fortement augmenté en 2010, cela ne permet-il pas de compenser ses pertes sur la fiscalité directe ?
Non. Les DMTO ont certes augmenté de 35% en 2010, grâce au rebond des transactions immobilières, mais ils ne représentent que 7% du budget des départements. Et surtout, ils risquent de rechuter dès cette année avec le ralentissement du marché de l’immobilier. D’ailleurs, les DMTO ont déjà baissé au deuxième trimestre de 6,5% par rapport aux trois premiers mois de l’année. Et le pire reste à venir. Les ventes de logements neufs s’effondrent, tout comme les mises en chantier.
Recettes fiscales en berne, désengagement de l’Etat, il ne vous reste plus que le recours à l’emprunt pour financer vos investissements ?
Ce n’est pas une solution viable à long terme surtout que les banques sont de plus en plus réticentes à nous prêter. Depuis la fin du mois d’aout, plusieurs conseils généraux ont vu leur appel d’offre pour des prêts rester lettres mortes. Et pour ceux qui obtiennent une réponse, les taux deviennent prohibitifs. Avant l’été, les marges étaient de 90 points de base en moyenne, aujourd’hui elles dépassent dans la plupart des cas les 150 points de base. Nous sommes en train de créer une agence de financement des collectivités territoriales afin de mutualiser nos demandes et d’obtenir plus de financement auprès des banques, mais cela ne règlera pas tous nos problèmes financiers, loin de là.
Evolution du montant des DMTO et effets de la péréquation
La Gazette a conçu une application qui permet de visualiser l’évolution des DMTO pour chaque département, mais aussi de mesurer les conséquences de la péréquation mise en oeuvre entre départements. L’application permet aussi de comparer l’extrême variation de leur valeur d’un département à l’autre.