Deux raisons devraient inciter les gestionnaires de crèche à favoriser l’inclusion du jeune enfant porteur de handicap : lui permettre de partager la vie en collectivité, dans des services de droit commun, et amener les autres enfants à se familiariser avec le handicap, pour construire une société inclusive. C’est en tout cas l’avis du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), dans son rapport de 2018 sur l’accueil des enfants en situation de handicap de moins de 6 ans (1), qui vise un objectif ambitieux : considérer cet accueil « comme une évidence de principe et d’usage ».
En décembre 2017, 34 700 enfants de moins de 6 ans bénéficiaient de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Depuis 2002, ce chiffre a crû très fortement, de 136 %, d’après l’Observatoire national de la petite enfance (2). Cela s’explique par un repérage plus précoce du handicap et une prise en charge élargie. Pourtant, en 2017, seuls 19,5 % de ces enfants étaient inscrits en crèche et 14,8 % touchaient le complément de libre choix de mode de garde. Pour l’instant, aucune législation n’impose cet accueil aux gestionnaires d’établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE), même s’il s’agit d’un droit fondamental, si l’on se réfère à la convention relative aux droits des personnes handicapées et à la convention relative aux droits de l’enfant, ratifiées par la France. D’après le HCFEA, 30 000 enfants de 0 à 6 ans nécessiteraient un accompagnement plus précoce, dont 10 000 pourraient être accueillis en crèche. Certes, certains territoires se montrent très volontaristes, sous l’impulsion d’élus, d’associations… mais cela creuse les inégalités territoriales, déplore le HCFEA.
Bonus
Sensibles à cet argument, l’Etat et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ont instauré un bonus « inclusion handicap » de droit commun, et ce, dès le premier enfant bénéficiaire de l’AEEH accueilli. Calculé à partir des données de gestion 2019, il sera versé en 2020. « Ce bonus est une création nette, insiste Pauline Domingo, directrice du département enfance, jeunesse et parentalité à la Cnaf. Il ne s’agit pas d’un recyclage d’une enveloppe existante. » Entre 7 et 8 millions d’euros pourraient y être consacrés au titre de 2019 et toucher un quart des places existantes, estime la Cnaf. Ce bonus prendra le relais des aides du fonds publics et territoires, destinées à l’accueil des enfants porteurs de handicap dans les crèches, « partout où le montant est équivalent » précise la directrice. Ce fonds, qui finance des dossiers innovants sur appel à projets, « pourra continuer à être mobilisé en complément, là où le projet pédagogique de la structure le mérite », ajoute-t-elle.
Sur le terrain, ces paroles rassurantes peuvent parfois être contredites, comme à Montreuil (108 400 hab.). « En 2018, les financements du fonds publics et territoires, de plus de 100 000 euros, nous permettaient d’avoir un demi-équivalent – temps plein par structure pour renforcer les équipes sur des moments clés de la journée. Notre caisse d’allocations familiales [CAF] tique un peu, sur ce nouveau montant par rapport au nombre d’enfants accueillis, car les estimations du bonus handicap sont plutôt de l’ordre de 60 000 euros pour 2019 », regrette Marion Boyer, directrice de la petite enfance. Or dans cette ville, si une dizaine d’enfants accueillis en crèche sont déclarés à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), plus d’une vingtaine sont en cours de diagnostic, sans compter les troubles du comportement qui augmentent, « compliqués à canaliser avec un professionnel pour cinq à huit enfants », pointe-t-elle. C’est cet accompagnement plus fin des groupes qui pourrait être remis en question avec la baisse des financements.
Equipes renforcées
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Gazette des Communes, Club Santé Social
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