Alain Lambert, président de la Commission consultative d’évaluation des normes, qui a rendu un avis défavorable sur un projet de décret d’application du Grenelle 2.
Un lieu de dialogue et de consensus entre les administrations de l’Etat et les collectivités locales, c’est la vision de la CCEN que veut forger son président, Alain Lambert.
Depuis sa création, en 2008, 92 % des avis qu’elle a rendu sur les projets de décrets présentés par l’exécutif se sont révélés positifs.
Le 7 avril dernier, néanmoins, elle a demandé au ministère de l’Ecologie de revoir sa copie dans la rédaction du projet de décret d’application de l’article 75 de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 2.
Ce texte rend obligatoire, pour les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants, l’élaboration d’un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre et d’un plan climat énergie pour ces dernières.
Trois arguments – L’avis négatif des membres de la CCEN représentant les élus locaux repose sur trois arguments.
Tout d’abord, ces derniers estiment que le « caractère strictement nécessaire » des dispositions contenues dans le texte n’est pas établi, faisant ainsi référence à la circulaire du Premier ministre du 6 juillet 2010 qui établit un moratoire sur les normes.
« Ce texte en viole l’esprit », avance Alain Lambert. Illustration : en faisant référence aux « émissions indirectes », le décret prévoit un troisième niveau de mesures que la loi n’évoque pas. « Il va donc au-delà du champ que la loi lui désigne », s’offusque le président de la CCEN.
Tutelle – Ensuite, la commission considère que le texte n’est conforme ni à la loi ni à la Constitution, en ce qu’il instaure la tutelle d’un niveau de collectivité sur d’autres, en prévoyant que le préfet de région et le président du conseil régional « s’assurent de la mise en œuvre effective des bilans des personnes morales domiciliées sur le territoire régional ».
Enfin, la CCEN s’inquiète de l’impact financier de la mesure, qu’elle juge mal évaluée par les services du ministère.
Application rigoriste – « Face à un texte [la loi Grenelle 2, NDRL] qui débouchera sur plus de 200 décrets, si nous ne posons pas des principes juridiques clairs, nous risquons de nous engager dans une aventure normative dangereuse », fait valoir Alain Lambert. Qui profite de cette occasion pour attirer l’attention sur la « rédaction des textes par les administrations ».
« Les administrations déconcentrées en font une application rigoriste. A chaque niveau, plus on descend vers le terrain, plus on assiste à un durcissement de la règle », observe-t-il.