L’inflation normative est une maladie que tout le monde entend combattre. Le volume de la norme, son instabilité, sa complexité et la charge qu’elle fait peser sur ses destinataires, dont les collectivités territoriales, sont au cœur des préoccupations. Car la complexité du droit a plusieurs conséquences.
Charles Touboul, alors rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études du Conseil d’Etat, nous expliquait, lors du rendu de l’étude annuelle 2016 consacrée à la simplification et la qualité du droit, que cette inflation « affecte d’abord les plus faibles et atteint la cohésion sociale. Elle obère aussi la capacité des pouvoirs publics à conduire les politiques publiques dans des conditions satisfaisantes de sécurité juridique ».
Pourtant, comme l’avait relevé le Conseil d’Etat dans cette analyse, « il n’y a aucun consensus sur les chiffres, ni même sur ce qu’il convient de chiffrer ».
Des lois de plus en plus longues
Les pensionnaires du Palais-Royal s’étaient alors engagés à compenser ce manque et à élaborer un référentiel de la mesure de la norme. C’est chose faite. Dans une nouvelle étude, intitulée « Mesurer l’inflation normative » et adoptée le 3 mai, ils reviennent sur la publication d’un tableau de bord des indicateurs de suivi de l’activité normative, mis en ligne sur « Legifrance.gouv.fr » le 7 mars par les services du Premier ministre.
L’outil contient 21 indicateurs relatifs aux flux et au stock de normes en vigueur. S’appuyant sur des statistiques provenant du gouvernement, du Parlement et du Conseil d’Etat, le document présente l’évolution de l’inflation normative.
De ce tableau de bord ressortent plusieurs tendances. Si le nombre de lois promulguées reste stable, elles sont de plus en plus longues. Ainsi, en moyenne, le nombre d’articles double entre le dépôt d’un texte devant le Parlement et son adoption définitive. Ce qui n’en empêche pas une bonne application puisqu’à la fin de la dernière législature (mai 2017), le taux d’application était de 95 %. Par ailleurs, le nombre de décrets (entre 1 200 et 1 800 par an) et d’arrêtés (entre 8 000 et 9 000 par an) publiés chaque année est stable.
Manque d’envie parlementaire
Pour le Conseil d’Etat, ce tableau de bord, qui permet une mesure performante de l’inflation normative, est « un préalable tant à l’établissement d’un diagnostic et à la détermination des objectifs à atteindre qu’à une lutte efficace et à l’évaluation de ses résultats ». Mais, pour une réelle simplification des normes, il faudra avant tout une véritable volonté politique.
Le gouvernement a, dans ce sens, adopté deux mesures importantes : la suppression de deux normes pour toute nouvelle norme réglementaire et l’obligation, pour chaque projet de loi, de contenir une mesure de simplification.
Toutefois, les discussions parlementaires prouvent que cette envie n’est pas partagée. Par exemple, les deux projets de loi pour la confiance dans la vie politique contenaient 28 mesures lors de leur dépôt, et 61 lors de leur promulgation…
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