« C’est comme le monstre du Loch Ness. Tout le monde en entend parler mais personne ne l’a jamais vu. » C’est par cette boutade que Jacqueline Gourault a ouvert le 15 février la première discussion sur le statut des élus locaux. Lancée par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, la Haute assemblée avait invité les associations représentantes des élus territoriaux à s’exprimer.
Alors qu’une grande enquête lancée à l’automne dernier a révélé le blues des politiques locaux, la principale inquiétude que soulève la ministre est celle de « la crise de vocation ». Un phénomène qu’elle explique par « le poids croissant des responsabilités des élus après plus de 35 ans de décentralisation » mais aussi par le fait que « contrairement à d’autres pays où l’élu est un métier à un moment donné d’une carrière, en France, on continue de concilier vie professionnelle et vie politique locale ».
Vers la baisse du nombre de conseillers municipaux
Jacqueline Gourault, qui se savait attendue de pied ferme par les sénateurs sur la proposition d’Emmanuel Macron de baisser le nombre d’élus locaux, ne s’est pas contentée de propos génériques. « Je pose la question : dans une commune de moins de 4 500 habitants avec 27 conseillers municipaux, est-ce si terrible, si dans quelques années, ils ne sont plus que 22 ou 23 ? Et puis, quand on met en face la crise des vocations, on peut se dire que cela risque de toute façon d’arriver… », a ainsi justifié l’ancienne sénatrice du Loir-et-Cher.
« D’ailleurs, je constate que Régions de France elle-même s’est positionnée à plusieurs reprises pour la baisse du nombre de conseillers régionaux, dont le nombre a explosé » depuis la création des régions XXL a continué la ministre avant de laisser la parole à la salle.
Un constat loin de faire bondir l’assistance, à commencer par Loïc Cauret, président de la communauté de communes Lamballe Terre et mer (Côte d’Armor) et président délégué de l’Assemblée des communautés de France. « Dans mon territoire, la commune nouvelle a 35 conseillers municipaux. Avant, avec l’émiettement des communes, nous étions 90… »
Les indemnités des élus, une reconnaissance
Autre grand sujet d’inquiétude évoqué à plusieurs reprises, celui de la question de la rémunération. « Quand on vit dans un territoire rural, il ne faut pas se faire oublier. Il faut fréquenter les instances départementales, régionales, nationales… Tout cela a un coût et les citoyens ont parfois du mal à le comprendre », rappelle ainsi François Zochetto, le représentant de l’association des maires de France et maire de Laval (Mayenne).
En toile de fond, les maires peinent encore à accepter l’augmentation de la rémunération des édiles de grandes villes depuis janvier dernier. La nouvelle a été particulièrement difficile à avaler pour les « petits » maires qui gagnent 658 euros brut par mois dans les communes de moins de 500 habitants.
Pour Édith Gueugneau, maire de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire), les indemnités constituent surtout une « reconnaissance » de la France face à des élus qui vont quitter leur travail ». Mais derrière la question de la rémunération, c’est aussi celle du statut de l’élu qui se pose plus largement.
Le non-cumul pose la question de l’après
« Le non-cumul va apporter de vraies questions sur l’après-mandat. J’étais chauffeur routier quand je suis devenu maire, j’ai démissionné. Maintenant que l’on sait qu’on ne restera pas élu pendant des années, il faut prévoir une réinsertion professionnelle. Sinon, les maires seront tous des retraités ou des fonctionnaires » a ainsi souligné Loïc Cauret.
La question de la formation des élus, de plus en plus nécessaire face à la difficulté de la tâche a également fait rebondir les discussions. « L’Association des maires de France est questionnée sur la complexité de cette mission, sur la complexité des transferts de compétences, mais également sur les normes », relaye Édith Gueugneau, membre du bureau de l’AMF. « Les élus, paraît-il, sont de moins en moins enclins à prendre des responsabilités », remarque-t-elle d’ailleurs.
« Des maires peu formés, ce sont autant d’élus qui laissent l’administration territoriale décider à leur place. Un édile ne peut pas seulement être là pour trancher sur les sujets politiques. Il doit aussi connaître la technique… Mais sans formation adéquate, c’est compliqué » a rebondi Loïc Cauret.
Autant de remarques qui devraient aboutir en une série de propositions des sénateurs en juin pour nourrir la prochaine conférence nationale des territoires à l’été. « On prendra la décision à ce moment-là de voir s’il faut légiférer, et sur quels points » a ainsi indiqué Jacqueline Gourault au micro de Public Sénat.
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