L’Observatoire des usages émergents de la ville vient de rendre son verdict, après avoir récolté plus de 4 000 réponses en France sur les aspirations résidentielles des citoyens. « Quelle serait pour eux leur ville idéale ? Quelle est le degré d’appétence des Français pour le développement de nouveaux modes de transports ? C’est à ces réponses que nous avons souhaité répondre » a expliqué en préambule Philippe Moati, professeur d’économie à Paris-Diderot, l’un des concepteurs de cette étude qui a été réalisée en partenariat avec Chronos et financée par l’Ademe, le CGET, Clear Channel et Vedecom,
Près d’un Français sur deux aimerait vivre ailleurs
Premier enseignement : 48% des Français aimeraient « vivre ailleurs » s’ils en avaient la possibilité. Cette aspiration est tout particulièrement marquée chez les habitants des grands centres urbains. 56% des habitants de Paris et 59% des habitants des autres métropoles souhaitent ainsi déménager en dehors des grands pôles d’activité.
Ils ne sont cependant que 25% dans des communes isolées hors influence des pôles. Autrement dit, plus une zone est densément peuplée, plus ses habitants aspirent à en partir. Un constat important alors que plus des trois quarts des Français vivent en ville.
L’attirance pour des villes plus calmes bénéficie au sud et à l’ouest
Cet «ailleurs » se concentre principalement dans les villes de tailles petite et moyenne à proximité des pôles urbains. Parmi les individus qui veulent déménager, 30% souhaitent en effet s’installer dans une petite ville ou un village près d’une grande ville.
« Les Français veulent la ville tout en vivant à la campagne », résume d’ailleurs le sociologue et fondateur de Chronos, Bruno Marzloff.
Ce sont les Franciliens qui sont tout particulièrement concernés par ce phénomène puisque 62% d’entre eux aimerait déménager. Un état de fait qui pourrait expliquer que des villes du sud et de l’ouest comme Montpellier, Toulouse, Nantes et Bordeaux parviennent à afficher des soldes migratoires bien plus élevés que l’Ile-de-France.
Les centres urbains concentrent les nuisances
Pourquoi de telles envies d’ailleurs ? Principalement parce que la vie en ville est perçue comme « hyperactive ». La fatigue et la promiscuité font ainsi partie des premiers termes qui viennent à l’esprit des personnes interrogées quand on leur demande de définir leur propre image de la ville.
Mais ce souhait de mobilité résidentielle s’explique aussi par le fait que la vie urbaine est considérée comme propice à certaines périodes comme celle des études, mais plus difficile pour vivre la parentalité ou la retraite. La ville ne récolte qu’une « note » de 5,7/10 pour élever ses enfants contre 7,2/10 pour la vie estudiantine.
La question de la qualité de vie est également très présente parmi celles et ceux qui souhaitent quitter la ville. La pollution, le bruit, l’absence de contact avec la nature font ainsi partie des réponses les plus citées quand on évoque les gênes ressenties par les habitants des centres urbains.
« Toutes ces données nous font dire qu’on observe très clairement un rejet de la grande ville et de ses désagréments au profit de communes de taille plus humaine » explique Philippe Moati.
Le rejet de la smart city
Interrogés par l’enquête sur six modèles d’évolution de la commune, les Français se projettent dans la « ville nature », suivie de près par « la ville autosuffisante » entourée d’une ceinture verte agricole en mesure de nourrir sa population et « la ville aux courtes distances ».
La smart city n’arrive qu’en dernier des modèles souhaités. Moins d’un Français sur trois accepterait d’ailleurs de partager ses données pour contribuer au bon fonctionnement des « smart cities ». Ce sentiment se développe alors même que les réflexions sur la ville hyper connectée sont au cœur des recherches des urbanistes, aménageurs et de nombreux acteurs des transports.
Y-a-t-il un pilote dans la ville de demain ?
Philippe Moati estime toutefois qu’il faut prendre ces chiffres avec recul. « C’est une critique de la modernité et de la sur-consommation qui s’exprime, pas forcément un rejet du numérique » nuance l’économiste.
Interrogés également sur leurs usages, 51% des habitants des villes-centres se disent intéressés par la mutualisation d’équipements entre voisins qui pourraient être un espace vert, une installation de production d’énergies renouvelables … L’existence d’un budget participatif est également vivement souhaité puisque 64% aimeraient que leur commune en mette en place.
Autant d’enseignements qui font réfléchir sur les choix des décideurs politiques et autres aménageurs du territoire à un moment où la smart city et les aires urbaines deviennent de plus en plus denses. « Cela pose la question de savoir qui pilotera la ville de demain », estime Bruno Marzloff.