« Trop cher », « opaque »… Les indemnités des députés sont l’objet de bien des fantasmes, alimentés il est vrai par le comportement contestable de certains élus de la République. Pourtant, l’Assemblée nationale communique clairement sur le sujet. Son site permet ainsi d’apprendre que le revenu des députés se composent de trois parties : l’indemnité de base, l’indemnité de logement et l’indemnité de fonction. La Gazette remet donc les choses à plat, pour éclairer le débat, et couper court aux polémiques inutiles.
Un revenu mensuel brut qui s’élève à 7 209 euros… au moins
L’indemnité de base correspond à l’équivalent du salaire brut du député. Elle se monte à 5 559 euros par mois. Première curiosité : alors que le parlementaire est un élu de la République, son indemnité correspond à la moyenne entre le plus bas et le plus haut des traitements des fonctionnaires A+ hors cadre.
A l’instar des agents publics, les députés disposent d’une indemnité de logement pour compenser les différences de coût de la vie entre les territoires français, dont ils viennent, et Paris, où ils siègent. Autrement dit, comme les députés travaillent à Paris, la ville de France la plus chère, ils ont le droit à l’indemnité de logement la plus élevée possible : 3% de leur indemnité de base, soit l’équivalent de 165 euros par mois.
Enfin, l’indemnité de fonction correspond à 25% de l’indemnité de base, soit 1 420 euros par mois.
Globalement, un député perçoit 7 209 euros bruts par mois soit 5 551 euros par mois nets.
A ce revenu que certains jugeront confortable, s’ajoute, là encore comme pour les fonctionnaires, le supplément familial de traitement, calculé suivant le nombre d’enfants qui peut varier de 110 euros à 688 euros.
Impossible de toucher plus de 9 857 euros quand on cumule
Les députés cumulards ont également droit à l’indemnité correspondante à leurs autres fonctions électives. La règle de l’écrêtement interdit toutefois de cumuler plus d’une fois et demie son indemnité de base.
En clair, un député peut toucher au maximum 2 757 euros bruts issus d’autres indemnités. En tout, un élu qui cumule présidence de région et de député, par exemple, peut gagner au plus 7 674 euros nets.
La situation va toutefois devenir de plus en plus rare. Et pour cause : la règle du non-cumul qui interdit désormais de cumuler fonction exécutive locale, comme la tête d’une mairie, et députation. Mais il sera toujours possible de concilier les indemnités de l’Assemblée nationale et celle d’un mandat local « moins engageant » comme celui de conseiller municipal ou régional.
La très contestée IRFM
A côté de ces revenus, les députés disposent de plusieurs enveloppes annexes. La première d’entre elle est celle qui fait le plus débat : l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) qui s’élève à 5 770 euros bruts par mois.
Elle est censée permettre aux élus de régler leurs frais professionnels sans que l’Assemblée nationale ne définisse précisément son utilisation.
Le site du Palais-Bourbon note simplement qu’elle permet de « faire face aux diverses dépenses liées à l’exercice du mandat qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l’assemblée ». A charge à chaque parlementaire donc, d’estimer ce qui relève de l’IRFM.
La plupart des députés l’utilisent pour régler le loyer de leur circonscription, s’acheter des costumes, assurer la maintenance de leur site Internet… Problème : il n’y a quasiment aucune règle à l’utilisation de ces fonds pourtant publics.
L’ancien député UMP de Seine-Saint-Denis, Patrice Calméjane, rapporte ainsi à nos confrères de FranceInfo sa surprise lorsqu’il a siégé pour la première fois dans l’hémicycle : « le service administratif m’a seulement dit qu’il me fallait un second compte bancaire pour recevoir mon IRFM. Et c’est la seule instruction qu’on m’a donnée. Il n’y pas même pas un b.a.-ba de son utilisation pour les nouveaux. »
« Il n’y pas de fiche de poste pour un député. Personne ne peut dire que telle chose relève ou non du mandat et pas telle autre, quand on est dans la zone grise », relève d’ailleurs l’ancien collaborateur parlementaire Samuel Le Goff sur le blog Cuisines de l’Assemblée en 2012.
« Tout le monde sait qu’une partie de l’IRFM est utilisée à des fins totalement privées par certains collègues », soutient le député UDI Charles de Courson, à Médiapart. Une réflexion qui s’explique par les dérapages du député socialiste de l’Ardèche Pascal Terrasse en 2012, épinglé pour avoir payé, avec son IRFM, des vacances sur le continent africain.
La Haute autorité pour la transparence de la vie publique a d’ailleurs publié un rapport très critique sur son utilisation. Son ancêtre, la Commission pour la transparence de la vie publique soulignait en 2012 que « s’agissant des parlementaires en fin de mandat, le montant de l’IRFM contribue, pour la durée d’un mandat, à un enrichissement oscillant entre 1 400 euros et 200 000 euros. »
Vers une réforme a minima ?
Cette situation problématique ne devrait toutefois plus durer. La loi « pour la confiance dans notre vie démocratique » porté par le Garde des sceaux François Bayrou, devrait remplacer cette indemnité par un système à la carte. Les parlementaires devraient désormais présenter leurs factures avant tout remboursement.
Mais une zone d’ombre importante subsiste : au nom de la séparation des pouvoirs, le ministre de la Justice a annoncé vouloir laisser aux assemblées décider par elles-mêmes la façon dont elles contrôleront les dépenses. Une incertitude plane donc sur les modalités effectives du remboursement.
Le spécialiste des finances de l’Assemblée, l’ancien député René Dosière (PS), estime dans Marianne, début juin, que ce système n’est « pas tout à fait satisfaisant ». Et de citer l’exemple du Parlement anglais, victime d’un scandale des notes de frais il y a 8 ans.
L’administration de Westminster, qui rembourse les députés sur facture, avaient par exemple permis à des élus de se faire rembourser des prêts immobiliers contractés à titre privé. Un audit avait même révélé que la moitié des députés britanniques avaient commis des irrégularités dans leurs notes de frais.
Le crédit collaborateurs pour payer les assistants parlementaires
Les députés disposent également de 9 504 euros par mois pour régler directement leurs collaborateurs. Chaque parlementaire fixe lui-même la rémunération de ses attachés, et leurs conditions de travail. Problème là encore, comme l’a souligné l’affaire Pénélope Fillon, l’Assemblée nationale ne vérifie en rien l’utilisation de cette enveloppe.
Il était même possible, jusqu’en 2012, pour les députés, de reverser directement les reliquats de crédit collaborateurs sur leur IRFM, comme le souligne Public Sénat. La même année, Jean-François Cassant, alors secrétaire général du syndicats des assistants parlementaires, jugeait que « c’était vraiment un détournement de fonds publics éhonté puisqu’en droit, toute somme d’argent public a une étiquette précise. Et on ne peut pas changer sa destination. »
Seule règle fixée : depuis 1997, les collaborateurs familiaux ne peuvent pas prétendre à plus de la moitié de l’enveloppe attribué aux députés.
Sur ce terrain, la loi portée par François Bayrou, sans toucher directement au montant de l’enveloppe crédit collaborateurs, devrait changer la donne. Les parlementaires, au même titre que les membres du gouvernement, ou encore les exécutifs locaux, ne devraient plus pouvoir employer un membre de leur famille.
Les avantages en nature des députés
Bien qu’élu d’une circonscription, le député est le représentant de la nation toute entière. A ce titre, il doit pouvoir circuler très facilement. Il dispose donc de nombreuses facilités de transports :
- L’Assemblée nationale prend intégralement en charge les déplacements en train en première classe dans toute la France métropolitaine.
- Le Palais-Bourbon met à disposition des parlementaires un pool d’une dizaine de voitures pour leurs déplacements dans Paris ou vers les aéroports.
- Les trajets en taxi pour les déplacements dans Paris intra-muros sont remboursés en cas de présentation de la facture, sans plafond.
- Les députés disposent d’un Pass RATP pour voyager gratuitement sur le réseau de transport francilien.
- Les députés de métropole bénéficient également des facilités d’Air-France. Ils peuvent ainsi effectuer 8 voyages aller-retour entre Paris et leur circonscription par avion et 12 aller-retour pour toute destination en France. Pour les parlementaires ultra-marin d’outre-mer, ils disposent de 26 aller-retour en classe affaire entre Paris et leur circonscription.
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