La production de documents électroniques a explosé au cours de ces dernières années et ce n’est qu’un début. Dans le même temps, la collecte des archives papiers n’est pas prête de se tarir. Le cadre juridique et réglementaire et les pratiques des archivistes sont-elles encore pertinents dans ce contexte d’infobésité ? Ce n’est pas l’avis de Christine Nougaret, vice-présidente du Conseil supérieur des Archives et professeure à l’Ecole nationale des Chartes.
Dans un rapport rendu public le 6 juin et intitulé «Une stratégie nationale pour la collecte et l’accès aux archives à l’ère numérique» (commandé en octobre 2016 par Audrey Azoulay alors ministre de la Culture), elle détaille 30 propositions. Elles concernent à la fois les archives nationales et territoriales, le numérique et le papier, la collecte et l’accès aux archives à l’ère du numérique.
Le sens du mot « donnée »
Dans la première partie, l’auteure en appelle à une clarification de la définition des archives mais aussi du rôle des archivistes.
Elle suggère ainsi dans sa première proposition « de préciser le sens du mot « donnée », «dans le champ d’application du code du patrimoine, afin d’assurer l’archivage définitif des données numériques essentielles ». Des données qui, selon elle, « devraient être conservées sur le territoire national ou, à défaut, dans un pays offrant les mêmes garanties de sécurité que la France, et chez un prestataire hébergeur placé sous le contrôle de l’autorité publique ».
Christine Nougaret s’inquiète également que le numérique a fait voler en éclats le cadre territorial dans lequel s’était coulé jusqu’alors le réseau des archives.
« La reconfiguration de l’État déconcentré dans un cadre régional et interrégional rompt l’uniformité des compétences entre départements qui caractérisait la France depuis plus de deux siècles « , pointe-t-elle.
Adaptation aux nouveaux cadres territoriaux
Elle propose ainsi « d’adapter le réseau des archives aux nouveaux cadres territoriaux». Ces reconfigurations impliqueraient entre autres, de mettre en place «une coordination régionale entre services d’archives départementales, qui pourrait être confiée au directeur du service d’archives chef-lieu de région, sous réserve de reconnaître et de valoriser cette fonction supplémentaire ».
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Formation numérique des archivistes
Dans sa proposition n° 8, l’auteure souligne qu’il faut renforcer la formation au numérique des archivistes. « La compétence numérique, nouvelle dans le bagage des archivistes, doit être reconnue dans les référentiels des métiers et valorisée dans le déroulement de leur carrière, estime-t-elle.
Et la vice-présidente du Conseil supérieur des Archives de glisser qu’il serait bien que les référentiels de certains métiers de l’informatique évoluent aussi et comprennent des compétences en matière de traitement des données et d’archivage numérique !
Macro-évaluation des archives
La seconde partie pointe les enjeux de la collecte. « Pour garantir une collecte durable à l’ère numérique, il convient de concentrer l’action des services d’archives sur la conservation des archives définitives, c’est-à-dire celle de valeur pérenne, à garder sans limite de durée ».
Pour y parvenir l’auteure suggère de déterminer les archives essentielles, tant papier que numériques, grâce à la macro-évaluation. Mais aussi « d’affirmer la responsabilité de l’État dans la conservation de ses archives définitives en régions, pour une répartition équitable des coûts entre État et collectivités. »
Mutualisation de l’archivage numérique
Quatre propositions visent les données numériques. Le rapport souligne que l’État déconcentré et les collectivités territoriales, pourraient mutualiser l’archivage numérique à l’échelon régional ou départemental. « Sous réserve d’une répartition équitable des charges qui ne peuvent incomber aux seules collectivités territoriales », insiste l’auteure.
Enfin, la dernière partie se penche sur l’accès aux archives à l’ère du numérique. L’auteure dénonce « l’ensemble de l’édifice législatif et réglementaire français qui rend inintelligible le système de droit d’accès à l’information publique ». Le rapport compte plusieurs propositions pour le simplifier.
Quel avenir pour les archives papier ?
Le rapport compte trois propositions qui concernent spécifiquement les archives papier. Christine Nougaret note par exemple : il s’agirait d’économiser l’espace de stockage et donc réduire les coûts à long terme, grâce « à la réévaluation » du stock d’archives et à la mutualisation des magasins.
Cet article fait partie du Dossier
Archives publiques : les enjeux de la révolution numérique
Sommaire du dossier
- Archives et numérique : encore un long chemin à parcourir pour les collectivités
- L’archivage numérique séduit peu les professionnels
- Comment les archivistes territoriaux négocient le virage du numérique
- Le numérique dépoussière les archives
- Archivage numérique : un rapport pointe l’urgence de réformes
- Recensement des archives numériques : un travail de fourmi
- « Le numérique est une opportunité pour réaffirmer le rôle des archivistes »
- État civil : coup d’accélérateur sur la transmission électronique