Au pied de la place Mandela, transformée en parking, au cour du quartier de La Muette, deux histoires se côtoient : d’une part, celle d’un quartier longtemps stigmatisé, dévalorisé au fil du temps, symbolisé par une tour d’une dizaine d’étages, aux écailles roses noircies et aux volets fermés. D’autre part, celle de coquettes maisons flambant neuves, de petits immeubles de deux étages avec jardinet qui préfigurent la nouvelle vie de la Muette, une fois que les pelleteuses seront parties.
Des habitants satisfaitsDepuis 2005, le quartier a commencé sa mue grâce au Programme national de renouvellement urbain. Ont été réalisées ou vont l’être, 539 démolitions, soit autant de familles à reloger. « Le bailleur, Immobilière 3F (I3F), possède 4 000 logements dans notre collectivité, mais le taux de rotation est extrêmement faible, ce qui a posé problème, d’autant que les habitants voulaient rester sur le site », se souvient Frédéric Meynard, directeur général adjoint chargé du développement à Garges-lès-Gonesse (40 000 hab., Val-d’Oise).
Il a fallu faire taire les rumeurs : « les nouvelles constructions ne seraient pas pour les habitants », « les familles ne seraient jamais relogées dans le quartier », « les loyers deviendraient exorbitants », etc. « Le déclic s’est produit lors des premières livraisons de logements, il y a deux ans : les gens ont pu les visiter, et à partir de ce moment, le projet est devenu crédible », se rappelle Zineb Amrane,
chargée du projet de renouvellement urbain pour le quartier de La Muette.
Aujourd’hui, il reste à reloger cinq familles. Si on se plaint de quelques malfaçons dues à la rapidité des travaux, à l’absence d’une aire de jeux que le bailleur avait promise, les habitants sont globalement satisfaits. Sur un plan technique, l’une des difficultés du projet réside dans le fait que le quartier a été complètement ouvert, alors qu’il était enclavé, et reconfiguré avec de nouveaux axes de circulation. « Il s’agissait de refondre le bâti, mais aussi la voirie, l’espace public, chaque maître d’ouvrage est dépendant du travail des autres », précise Frédéric Meynard. Une coordination parfaite était donc nécessaire.
La ville a fait appel à un aménageur, l’Agence foncière et technique de la région parisienne, ainsi qu’à un cabinet pour assurer l’OPC (pour ordonnancement, pilotage, coordination). Tous les mois, les maîtres d’ouvrage se réunissent et font le point sur l’avancement des chantiers. « Au-delà de la détection des retards et des problèmes, ces réunions ont le mérite de créer un groupe, les maîtres d’ouvrage apprenant à se connaître, juge Frédéric Meynard. L’autre facteur de réussite est d’avoir une équipe interne dédiée, avec un agent affecté par projet. Enfin, nous faisons un point chaque semaine avec le maire, ce qui permet une grande réactivité. » Pour Patrick Bridey, directeur du renouvellement urbain de I3F, « le projet était compliqué par son ampleur, nécessitant de travailler avec différents partenaires. Ensuite, il fallait apporter une vraie qualité urbaine et tenir l’enchaînement opérationnel : démolir et reconstruire rapidement ».
Image restaurée
Le bailleur a associé de petits immeubles de logements collectifs, plutôt de grands logements de type F4 ou plus, avec de l’habitat individuel et 159 logements ont été reconstruits hors site, sur des communes du Val-d’Oise. A côté des bâtiments neufs, d’autres ont été résidentialisés : des balcons ronds rajoutés, des façades ravalées et isolées, des grilles pour délimiter les espaces et des arbres naissants donnent une nouvelle vie à des immeubles autrefois fanés.
Un programme de logements en accession à la propriété est éga lement en train de sortir de terre. La Muette fait à nouveau l’objet de demandes de logement social : un signe qui ne trompe pas. L’image du quartier a bien changé.
Une envie de vivre retrouvée Pour les habitants du quartier, même si les travaux ne sont pas finis, les changements sont déjà tangibles.
« J’ai toujours vécu ici, mais ces dernières années, les conditions de vie étaient devenues difficiles, le logement quasiment insalubre. Les tours donnaient une ambiance de ghetto », note Djamel Affane, habitant de l’îlot Coubertin, père de trois enfants. Aujourd’hui, il y a une nette amélioration, même si les appartements sont un peu plus petits et les loyers un peu plus chers, leurs occupants sont satisfaits. Yahia Macer, directeur du centre social de la Muette, confirme : « On ressent une modification de l’approche des gens sur le quartier et de la typologie socioprofessionnelle. Mais pour que ça dure, il faut continuer à accompagner les habitants sur ce projet, qu’ils se sentent impliqués, et entretenir la confiance retrouvée. »
Reportage à Garges-lès-Gonesses
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Renouvellement urbain : enfin du concret ?
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Sommaire du dossier
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- Une année 2018 sous le signe de l’accélération pour le NPNRU
- Retard à l’allumage pour le nouveau programme de renouvellement urbain
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- Renouvellement urbain : le financement au cœur des préoccupations des acteurs
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- Renouvellement urbain : « Sortir de cette situation de relégation des populations les plus pauvres »
- L’ANRU précise sa stratégie de co-investissement avec les acteurs privés
- Associer les habitants et lutter contre les ghettos, priorités du nouveau PNRU
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