La loi du 3 août 2009 (l’été est assurément une saison propice aux modifications statutaires !) relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique prévoit, dans son article 21, la possibilité pour les collectivités de recruter des agents par intérim.
Le texte n’est pas anodin. Il suscite des inquiétudes : il est perçu comme une nouvelle atteinte au statut de la fonction publique et aux garanties que ce dernier apporte. Pour ses auteurs, il s’agit « simplement » de permettre une gestion des ressources humaines plus souple, plus « moderne », adaptée aux besoins de réactivité pour assurer la continuité du service publique.
La question des marchés publics
Une première observation, d’ordre purement juridique. Recourir à une agence d’intérim ne pourra se réaliser que dans le cadre d’un marché public. Les collectivités devront, à chaque fois lancer une procédure et respecter les grands principes de la commande publique… On imagine mal comment l’observation de ces principes et des procédures de publication qui s’y rattachent, permettra de répondre, en urgence, à un besoin RH…
Incongruité
Mais Noémie Southammavong, avocat au cabinet Philippe Petit (Lyon) souligne une « incongruité juridique » bien plus dérangeante. La commission des lois, en 2009, a repoussé une proposition d’amendement présentée par Bernard Derosier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il s’agissait de modifier le texte de l’article 10 du projet de loi et d’exclure expressément du champ du recours à l’intérim les missions impliquant l’exercice de prérogatives de puissance publique.
Cet amendement a été écarté, tant et si bien que l’article 21 de la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels ouvre la possibilité pour les collectivités de recourir au service des entreprises d’intérim, sans restriction tenant à l’exercice par le salarié privé, de prérogatives de puissance publique. Dont acte.
Mais la circulaire d’application du 3 août 2010 contredit directement la loi : « S’agissant des missions ou activités pour lesquels il peut être recouru à l’intérim, la loi ne fixe pas d’exclusion (…). En revanche, cette solution [l’intérim] ne pourra être utilisée pour des missions dont l’exercice exige une qualité ou une habilitation particulière au regard du droit (prestation de serment, agrément, etc.) ou comportent l’exercice de prérogatives de puissance publique».
La circulaire vient donc contrecarrer l’intention du législateur. Elle ignore l’esprit de la loi du 3 août 2009, dont les travaux préparatoires montrent que toute restriction fondée sur l’usage de prérogatives de puissance publique a été délibérément écartée.
Etat de droit
Sans se prononcer sur l’objet et les finalités de cette «omission», le juriste ne peut que regretter que l’administration s’autorise, de la sorte, un pouvoir supra législatif. Le procédé est singulier : « le texte n’interdit pas d’interdire, donc il me permet de le faire ».
Une circulaire interprétative livre, par définition, une interprétation et organise l’action administrative en application du texte de droit initial : elle explique le droit tel que l’administration doit l’appliquer. En aucun cas, une circulaire ne peut donner une interprétation selon une orientation contraire à la volonté du législateur.
C’est l’essence même de l’état de droit : le respect de la séparation des pouvoirs, comme le respect des droits de l’homme et de la dignité de tous les individus sont l’apanage et la condition des seules républiques véritables.
Références
Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république sur le projet de loi (n° 845), adopté par le sénat, après déclaration d’urgence, relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique