Sur les deux volets de son portefeuille, Thierry Mandon veut donner lâimage dâun homme dâaction : la simplification a dĂ©jĂ ses trains de mesure en marche et la rĂ©forme de lâEtat prend le mĂȘme pas, TGV plutĂŽt que Corail.
AnnoncĂ©e en septembre, la revue des missions de lâEtat se concrĂ©tise par lâorganisation dâateliers de mi-novembre Ă fin dĂ©cembre dans 13 collectivitĂ©s locales – dĂ©partements et rĂ©gions –  et de premiers arbitrages devraient avoir lieu en fĂ©vrier qui dessineront âune feuille de route de modernisation des services de lâEtat Ă trois ansâ.
Entre temps, agents des services dĂ©concentrĂ©s, des collectivitĂ©s territoriales et usagers, vont Ă©changer, chacun dans un collĂšge sĂ©parĂ©, sur 23 thĂšmes aussi minces que le contrĂŽle et le conseil aux collectivitĂ©s, lâĂ©ducation nationale ou encore lâĂ©conomie le travail et lâemploiâ, un planning annoncĂ© le 10 novembre lors dâune rĂ©union du Conseil national des services publics (CNSP).
âUne bonne surpriseâ
Cette mĂ©thode collaborative, chĂšre au secrĂ©taire dâĂtat, est apprĂ©ciĂ©e : le souvenir de la RGPP, imposĂ©e dâen haut, est encore dans les mĂ©moires et appliquer la mĂȘme dĂ©marche aurait Ă©tĂ© un gros impair.
âLa RGPP a Ă©tĂ© trop traumatisante, explique Laurence Tartour, de lâAPVF. Tout le monde est partant, il y a une vraie souffrance dans les services dĂ©concentrĂ©s.â âCâest plutĂŽt une bonne surprise et une nouveautĂ©, nous ne pouvons quây ĂȘtre favorables, renchĂ©rit StĂ©phane Bussonne, vice-prĂ©sident national du syndicat national des directeurs gĂ©nĂ©raux des collectivitĂ©s territoriales (SNDGCT). Pour une fois, cela permettra peut-ĂȘtre de faire des articulations qui ne seront pas subies. Chaque fois fois quâil y avait des fermetures de sous-prĂ©fecture ou de tribunaux dâinstance, cela se faisait toujours de haut en bas, sans que les collectivitĂ©s puissent y dire quoi que ce soit. Ce nâest pas complĂštement illogique puisque lâEtat employeur dĂ©cide. En mĂȘme temps, comme ces choix retombent sur les collectivitĂ©s, il vaut mieux que cela corresponde Ă des projets de territoires.â
LâADCF est aussi plutĂŽt mesurĂ©e, s’interrogeant nĂ©anmoins sur âle choix des territoiresâ, ce qui peut Ă©tonner car ils semblent reprĂ©sentatifs de la diversitĂ© de la France : urbain, rural, mĂ©tropolitain, ultra-marin, pauvre, riche…
En revanche, lâUnion gĂ©nĂ©rale de la fonction publique (UGFF) sâinsurge du fait que les syndicats ne soient pas conviĂ©s Ă cette Ă©tape, ce qui est aussi dâailleurs le cas des associations dâĂ©lu-e-s : âcâest irrecevable, tranche Christophe Delecourt, de lâUGFF-CGT, nous avons demandĂ© un droit de reprĂ©sentation et dâintervention dans les cadres des diffĂ©rentes instances, le CNSP et le CCFP, cela nous a Ă©tĂ© refusĂ©. Nous nâexcluons pas une interpellation qui dĂ©passerait le seul M. Mandon.â
Que Thierry Mandon et le SGMAP soit rattachĂ© directement au Premier ministre est le signe pour lui dâune âmise en oeuvre autoritaireâ qui dĂ©crĂ©dibilise de toute façon la dĂ©marche.
Ăchange âavec les managers opĂ©rationnelsâ
âNous avons discutĂ© avec les syndicats et les associations dâĂ©lu-e-s sur la mĂ©thode, dont la principale caractĂ©ristique est la concertation avec les collectivitĂ©s territoriales, les agents publics et les parties prenantes,  explique-t-on au cabinet de Thierry Mandon. Il est prĂ©vu que cette concertation soit menĂ©e auprĂšs des experts et des managers des 23 thĂ©matiques identifiĂ©es sur les 14 territoires sĂ©lectionnĂ©s. A lâissue de ces groupes de travail opĂ©rationnels, un temps de concertation sera naturellement organisĂ© courant janvier avec les associations dâĂ©lus et les organisations syndicales pour Ă©changer sur les propositions de ces groupes de travail. â
La bouffĂ©e dâair de la mĂ©thode laisse relativement indulgent sur le calendrier. âCâest ambitieux, peut-ĂȘtre trop, il reste en fait trois bonnes semaines, et dĂ©cembre est peu propice, les collectivitĂ©s planchent sur les budgets. MĂȘme en cloĂźtrant les agents, câest impossible, indique Laurence Tartour avant de prĂ©ciser : âcâest indispensable pour autant, ils prendront sans doutes les mesures les plus faciles en fĂ©vrier. Un calendrier, câest fait pour ĂȘtre dĂ©bordĂ©âŠâ
Elle espĂšre que cette revue ne finira pas au rayon des dĂ©marches symboliques, pour la communication. âNous avons de vraies inquiĂ©tudes sur la tenue des dĂ©lais, ou la rĂ©alitĂ© de la concertation. Sur le thĂšme du contrĂŽle de lĂ©galitĂ©, le premier collĂšge se rĂ©unit le 12 dĂ©cembre. Nous ferons nĂ©anmoins tout pour que cela fonctionneâ, indique Emmanuel Gros, DGS de La Roche-sur-Yon, qui participe Ă la consultation. âIl est sĂ»r que câest serrĂ©, câest certainement par rapport Ă la discussion parlementaire quâils veulent aller viteâ, indique encore StĂ©phane Bussone.
âComme un cheveux sur la soupeâ
Car cette revue des missions de lâEtat, rajoute Laurence Tartour âarrive comme un cheveux sur la soupe. Pourquoi si vite ?â La soupe en question, câest le projet de loi NOTRe, examinĂ© Ă partir du 16 dĂ©cembre, et qui doit rebattre les cartes des compĂ©tences des collectivitĂ©s. Dans lâordre des choses, il semblerait logique de finir la revue des missions de lâEtat puis dâen transcrire les conclusions dans la loi.
âComment cela va-t-il sâimbriquer ?â, sâinterroge encore la reprĂ©sentante de lâAPVF. âIl nâest jamais trop tard pour bien faire, et le projet nâest pas encore votĂ©â, veut croire StĂ©phane Bussone. Il est vrai que NoTRE a dĂ©jĂ Ă©tĂ© reportĂ© une fois.
Le cabinet de Thierry Mandon tempĂšre : âCela permet dâavoir une premiĂšre photographie afin dâeffectuer un premier tri. Câest la premiĂšre Ă©tape dâune dĂ©marche inĂ©dite et qui a vocation Ă ĂȘtre reconduite dans le tempsâ, tout en expliquant que « les Ă©volutions de la loi NoTRE devront ĂȘtre intĂ©grĂ©es dans la rĂ©flexionâ dans un contexte de calendrier âresserrĂ©â.
Pour Christophe Delecourt, le calendrier nâest mĂȘme pas resserrĂ©, il est âinacceptable pour crĂ©er les conditions dâun dĂ©bat contradictoire.â
âUn exercice sur la pertinenceâ
Sur le fond de lâexercice, le cabinet insiste : âlâobjectif nâest pas budgĂ©taire, câest un exercice sur la pertinence des missions de lâEtat, sur le rĂŽle de lâEtat sur les territoires. Les coups de rabot successifs ont fini par affaiblir les services dĂ©concentrĂ©s sur les territoiresâ, en nâexcluant pas que le tri soit âdans les deux sensâ.
Il nâempĂȘche que lâobjectif triennal de rĂ©duction de la dĂ©pense de 50 milliards est dans les esprits et peut augurer de marges de manoeuvre limitĂ©es. âLe mot âdoublonâ apparaĂźt souvent dans les dĂ©batsâ, note Laurence Tartour, qui se montre pour autant rassurĂ©e : âles visĂ©es ne sont pas que quantitatives mais aussi qualitatives. Ils souhaitent Ă©valuer les dysfonctionnements des services dĂ©concentrĂ©s qui sont en difficultĂ©, les points de tension. Câest diffĂ©rent de la RGPP.â
Lâexacte inverse du point de vue de lâUGFF : âOn nous a prĂ©sentĂ© la MAP comme un processus diffĂ©rent de la RGPP, mais il sâagit de tirer dans un dĂ©lai rapide les consĂ©quences dâune politique dâaustĂ©ritĂ©.â
Cette thĂ©orie de « lâEtat stratĂšgeâ recentrĂ© sur ses missions rĂ©galiennes le laisse songeur : âvous savez ce que câest lâEtat stratĂšge ?â.
StĂ©phane Bussone sâinquiĂšte aussi : âOn pourra toujours contester que lâĂtat demande toujours plus aux collectivitĂ©s mais leur retire des moyens importants. Cela va ĂȘtre la quadrature du cercle, lâeffet de ciseau est une rĂ©alitĂ©.â
Et son confrĂšre de la Roche-sur-Yon de renchĂ©rir : âEn apparence, y compris sur le contenu des ateliers, il est question de la pertinence des missions, en rĂ©alitĂ© cela aura des consĂ©quences budgĂ©taires, il sâagit de faire des Ă©conomies. Par exemple sur les autorisations dâurbanisme, tout le monde sâaccordera pour que lâEtat les abandonne, comme elles ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© dĂ©lĂ©guĂ©es. Mais il faut faire dâune contrainte un avantage, nous nâavons pas le choix, et cela pousse Ă ĂȘtre imaginatif.â
A commencer, pour caser toutes ces rĂ©unions entre la dinde, la bĂ»che et la galette des roisâŠ
Références








