Lorsque Bercy cherche à économiser 15 milliards d’euros – ou plutôt à diminuer de 15 milliards d’euros l’évolution attendue(1) des dépenses de l’Etat – il y a, sans surprises, plus de perdants que de gagnants : la masse salariale de la fonction publique et les dépenses de l’assurance maladie sont les plus mises à contribution, les collectivités locales et les agences d’Etat voient leurs dotations baisser, tout comme les missions « culture », « défense » et « écologie ».
Rejetant les coupes « systématiques et sans discernement », le gouvernement a toutefois épargné les missions(2) « éducation », « sécurités », « emploi » ainsi que « justice », érigées en priorités par le président de la République et qui voient ainsi leurs moyens augmentés ou du moins stabilisés.
Le budget « Sécurités » en hausse… de 1 % – L’enveloppe de la mission « sécurités » – qui regroupe les programmes de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité routière mais aussi, et c’est nouveau, de la sécurité civile – voit ses crédits (hors pensions)(3) portés à 12,19 milliards d’euros en 2014, soit une hausse de 1 % par rapport à l’année en cours (11,61 milliards).
A l’intérieur, les programmes police nationale et sécurité routière sont légèrement réduits tandis que la sécurité civile et la gendarmerie nationale profitent pleinement des crédits supplémentaires.
ZSP, Marseille, Corse renforcés – Police et gendarmerie bénéficieront, à ce titre, de la création de 405 emplois en 2014 (contre 480 en 2013), sans que ne soit détaillé pour autant la répartition entre les différents corps. Ils viendront renforcer prioritairement les « zones de délinquance les plus sensibles, en particulier les ZSP, Marseille et la Corse ».
Au niveau du renseignement, certains emplois permettront également de créer la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) alors que la filière du renseignement territorial est en train d’être revue.
Le ministère de l’Intérieur n’est pas exonéré de tout effort pour autant: la diminution de l’indemnité de sujétions spéciales de police (ISSP) des élèves en école, critiquée par certains syndicats de la profession, permettra d’économiser 12 millions d’euros…
L’effort de mutualisation sera également poursuivi dans l’administration, les fonctions supports et la logistique(4), afin de faire des économies d’échelle et ainsi baisser les dépenses de fonctionnement.
Budget stable pour la Justice – Autre mission prioritaire du gouvernement, la justice disposera pour sa part en 2014 de fonds quasi-identiques à ceux de 2013 : ses crédits hors pensions progresseront de 0,2 % pour atteindre 6,29 milliards(5).
La justice judiciaire et l’administration pénitentiaire capteront 81 % de cette somme, tandis que le reste se répartira entre la protection judiciaire de la jeunesse, l’accès au droit et à la justice, la conduite et le pilotage de la politique de justice, ainsi que, à une mesure moindre, le Conseil supérieur de la magistrature.
L’exposé des motifs indique que l’origine des crédits supplémentaires alloués à la mission « Justice » provient d’une augmentation des recettes de TVA de l’Etat, du fait de la soumission à cet impôt indirect des prestations des collaborateurs occasionnels du service public de la justice, conformément au droit européen.
555 emplois supplémentaires – L’objectif de maîtrise des dépenses publiques du gouvernement exceptionnellement mis de côté grâce aux nombreuses suppressions d’emplois dans les autres secteurs (13 123 emplois) et pour respecter la promesse du président de la République de « créer 5 000 emplois dans la sécurité et la justice entre 2012 et 2017 », ce sont 555 emplois qui seront créés pour le ministère de la Justice en 2014, soit 35 de plus que cette année.
432 postes seront réservés aux services pénitentiaires, dont environ 300 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation seront embauchés pour appliquer la réforme de politique pénale, actuellement en cours, basée sur la prévention de la récidive et la réinsertion, et 25 magistrats seront embauchés (parmi les 45 alloués aux services judiciaires) pour la mise en place du futur Parquet financier.
78 agents devraient, pour leur part, venir renforcer les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse.
Dispartion de la taxe à l’aide juridictionnelle – Est acté également la suppression de la contribution de 35 euros (timbre fiscal) nécessaire pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, instaurée en 2011 par le précédent gouvernement. Vu la pénalisation de certains justiciables vulnérables, « l’Etat prendra directement à sa charge les dépenses d’aide juridictionnelle que cette contribution(6) finançait.
Du moins pour 2014 : Christiane Taubira a annoncé dans un communiqué publié vendredi 27 septembre avoir « formulé des propositions aux représentants de la profession d’avocat » afin de parvenir à financement pérenne.
La Garde des Sceaux recevra les représentants de la profession à compter de la semaine prochaine pour identifier un mode de financement durable.
Le PLF assure par ailleurs que, malgré les 12 millions d’euros d’économies attendues sur l’habile pilotage des calendriers de chantiers, les investissements immobiliers – judiciaires et pénitentiaires – seront poursuivis afin d’atteindre l’objectif d’un parc carcéral de 63 500 places à horizon 2017.
Cet article fait partie du Dossier
PLF 2014 : les ministères affectés par la réduction du déficit public
Sommaire du dossier
- PLF 2014 : stimuler la croissance et dynamiser l’emploi pour ambitions
- Les points clés des lois de finances adoptées concernant les collectivités territoriales
- Développement durable et énergie : des investissements en 2014, mais moins de moyens de fonctionnement pour le ministère et ses opérateurs
- La jeunesse : un « investissement d’avenir » dans le budget 2014
- Les budgets « Sécurités » et « Justice » préservés en 2014
- Stabilité budgétaire pour les banlieues en 2014
- Vers de nouvelles règles pour le Fonds de prévention des risques naturels majeurs
- Dématérialisation des élections : la révolution est en marche
Thèmes abordés
Notes
Note 01 les dépenses publiques augmentant spontanément d'une année sur l'autre (retraites, assurances-chômage, primes et avancement des fonctionnaires, etc...) les mesures d'économies prises par le gouvernement ne suffisent pas forcément à diminuer le budget de l'année suivante Retour au texte
Note 02 Le projet de loi de finances (PLF) classe les dépenses publiques en "missions", en fonction de la politique publique qu'elles serviront à financer. Certaines missions peuvent ainsi être partagées par plusieurs ministères. Retour au texte
Note 03 18,26 milliards avec pensions contre 18,03 en 2013. Retour au texte
Note 04 création d’un service commun des achats des équipements de la logistique de la sécurité intérieure (Saelsi), mise en place des secrétariats généraux de l’administration du ministère de l’intérieur (Sgami), etc. Retour au texte
Note 05 7,82 milliards en comprenant les pensions, contre 7,69 en 2013. Retour au texte
Note 06 en 2013, le produit attendu de cette taxe de 35 euros était de 60 millions d'euros, sur les 379 millions que coûte l'aide juridictionnelle dans sa globalité. Un manque-à-gagner que prendra donc en charge l’Etat, pour ne pas pénaliser le budget de l'aide juridictionnelle. Retour au texte