Le sénateur UMP de Lorraine semble en vouloir particulièrement à la «troisième assemblée constitutionnelle», fustigeant son inutilité et son obsolescence. Au point de présenter une proposition de loi supprimant purement et simplement le Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Interrogé par La Gazette, le président du Cese, Jean-Paul Delevoye répond « sans grande inquiétude » à cette attaque en règle : « il n’y a pas de débat, Jean-Louis Masson recherche avant tout un impact médiatique ».
Jean Paul Delevoye s’en réjouirait presque, de cette diatribe. Car « il est tout à fait légitime et fondamental de s’interroger sur l’efficacité et l’efficience des institutions », d’autant qu’à son arrivée à sa présidence, il avait fixé au Cese une exigence forte de transparence financière et de recherche d’efficacité : « c’est une démarche légitime et aucune de nos institutions ne doit échapper à ces questions … y compris le Sénat ! »
Coût et efficacité – Argument sans grande originalité en période de tension financière, Jean-Louis Masson considère que la suppression du Cese permettrait de réaliser une économie budgétaire « non négligeable », la dotation budgétaire du Conseil économique, social et environnemental s’élevant, pour 2013, à environ 37,5 millions d’euros.
« La problématique, ce n’est pas le coût, mais la pertinence », estime Jean-Paul Delevoye, qui indique cependant que les études menées par le CESE sont bien moins onéreuses que celles conduites par le Sénat ou l’Assemblée nationale.
Utilité controversée – Il s’agit surtout « de renoncer à une construction institutionnelle qui n’a jamais fait la preuve de son efficacité », indique l’exposé des motifs de la proposition de loi. L’inefficacité du conseil, Jean-Louis Masson en veut pour preuve le constat par lequel s’ouvrait le rapport Chertier du 15 janvier 2009, selon lequel cette institution « n’a jamais réussi à trouver sa place dans le débat public ».
Un constat sévère que conteste Jean-Paul Delevoye, qui considère sans surprise que le Cese reste un lieu d’association des citoyens…. « d’autant plus fondamental en ces temps de discrédit des politiques ! »
Des « pratiques déplorables » – L’exposé des motifs de la proposition de loi fustige également la composition du conseil : comment parvenir à une représentation globale et incontestable des composantes multiples et inégalement organisées de la société civile ? », s’interroge le sénateur, qui doute de sa représentativité et des progrès constatés en matière de parité hommes-femmes.
Il regrette surtout que la réforme de 2008 n’ait pas été l’occasion de revenir sur la présence, au sein de la « troisième assemblée », de 40 personnalités qualifiées nommées par le gouvernement, dont par le passé, le choix « souvent contestable » aurait contribué à décrédibiliser le Cese. Certaines des nominations effectuées en octobre 2010 ont, selon Jean-Louis Masson, démontré que le Cese continuait à pâtir de ces « pratiques déplorables ».
L’attaque en règle se poursuit sur le terrain des études menées par le Cese : « ces travaux continuent de résulter majoritairement d’auto-saisines ». Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, on ne relève qu’un seul exemple de saisine parlementaire (par l’Assemblée nationale).
Jean-Paul Delevoye se plaît à rétorquer que les auto-saisines ont souvent porté sur des sujets dont « le politique » s’est ensuite emparé. Comme le Grenelle de l’environnement.
Obsolescence – Peu entendu, peu consulté, le Cese serait concurrencé par de multiples formes ou instances de consultation ou de concertation jugées plus efficaces, mieux adaptées au temps de la décision politique, plus réactives ou plus médiatiques (organes consultatifs à compétence sectorielle, Grenelle de l’environnement, états généraux ou assises tenus sur des sujets divers, grande conférence sociale, commissions d’experts).
Ce à quoi Jean-Paul Delevoye répond que le conseil permet justement un recul par rapport à une politique « à court terme » et permet au contraire une vision au long terme, permettant d’associer véritablement la société civile. En réalité, « il y a complémentarité entre les travaux du Cese et les nouvelles formes d’association des citoyens » au débat politique.
Pour conclure, Jean-Paul Delevoye regrette la méthode qui consiste, par une proposition de loi, en un seul article, vise à supprimer une institution recherchant l’exemplarité, l’efficacité et la participation du citoyen.
In cauda venenum : citant Churchill, il ajoute : «Un homme politique considère la prochaine élection ! Un homme d’Etat considère la prochaine génération».