Que représente, en droit, le traitement d’un fonctionnaire ?
La question se posait déjà, au XIXe siècle, de savoir si le traitement doit permettre de vivre ou s’il correspond à l’exercice d’une fonction pour laquelle une indemnité suffit.
Saint-Just estimait que la fonction publique n’est pas un métier mais une vertu. Des révolutionnaires plus pragmatiques pensaient que la rémunération apporte des garanties. Tocqueville, lui, évoquait la faiblesse des rémunérations des agents publics, pourtant garants de bonne administration.
Sont alors apparus les termes de traitement mais aussi de gages ou d’appointements flottants, qui annoncent le cumul d’activités. Ce traitement n’est pas la contrepartie du service rendu mais, octroyé dans un cadre réglementaire sans négociation, destiné à tenir un rang, à permettre un train de vie décent par rapport aux missions, comme le dispose l’article 1er du Code des pensions civiles et militaires : « Le montant de la pension […] garantit en fin de carrière à son bénéficiaire des conditions matérielles d’existence en rapport avec la dignité de sa fonction. »
Le régime indemnitaire ne devrait-il pas être intégré au traitement ?
La faiblesse des rémunérations et le gel du point d’indice sont contournés par la création d’indemnités diverses, dites de « responsabilité » ou de « sujétion » ou de « cherté de la vie »… Les collectivités cherchent à être attractives, à recruter les meilleurs et à les récompenser.
Dès le XIXe siècle, le régime indemnitaire (RI) compense l’inflation et la relative stagnation des traitements, combinés au cumul d’activités.
En 2007, en autorisant le cumul pour tous les fonctionnaires, qui peuvent désormais faire du ménage ou de la plomberie chez des particuliers, les vendanges, ou créer leur autoentreprise, l’Etat a fait passer le message qu’il ne fallait pas espérer voir progresser le traitement.
Le président du CNFPT, François Deluga, suggère un régime minimal. Est-ce une bonne idée ?
Cette mesure est limitée par le principe de libre administration des collectivités. Ce serait une augmentation déguisée du traitement. Pourquoi imposer un régime a minima, au risque de ne plus susciter de motivation ? Quels leviers auraient les employeurs ?
Le problème est davantage lié à l’écrasement des grilles indiciaires. L’écart de 1 à 7 entre l’adjoint administratif et le directeur d’administration centrale est faible par rapport au secteur privé. Avant 1914, il allait de 1 à 25.
La question aurait peu d’importance si le niveau de rémunération était élevé. Dans un contexte où elle est faible, le régime indemnitaire recrée des écarts, notamment en catégorie A, oubliée des réformes.
Quelles garanties apporte la rémunération ?
Elle conditionne la qualité du recrutement et motive des personnes compétentes. Avec un traitement décent, on peut attendre davantage d’honnêteté, on évite au fonctionnaire d’être tenté par la prise illégale d’intérêt et la corruption… Ce qui permet à un gouvernement et aux collectivités de tenir, c’est la garantie de l’emploi, un argument fort en période de crise. Mais, si les traitements continuent d’être gelés, l’administration pourrait avoir des difficultés à recruter les meilleurs en cas de reprise économique.
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Rémunération des fonctionnaires : ce que disent les chiffres
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Sommaire du dossier
- Rémunération des fonctionnaires : ce que disent les chiffres
- Evolution des rémunérations : croisons nos analyses
- Le point d’indice est-il un élément déterminant de la rémunération ?
- Le pouvoir d’achat : +10 % ou – 10 % ?
- Le tassement des grilles indiciaires
- « Le déclassement, un sentiment surtout lié aux nouveaux modes de vie »
- Peut-on encore rendre la FPT attractive ? – Refonte des grilles : priorité aux agents de catégorie C
- Peut-on encore rendre la FPT attractive ? – La délicate réforme des régimes indemnitaires
- Peut-on encore rendre la FPT attractive ? – « Un débat qui n’est pas nouveau »