Le recours devant le Conseil d’Etat déposé lundi 11 février 2013 par quatre syndicats de l’énergie – CGT, FO, CFDT et CFE/CGC – vise en réalité, non pas l’arrêt définitif de la centrale haut-rhinoise, programmé par le gouvernement d’ici fin 2016, mais la nomination d’un « délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim ». Deux décrets sont directement visés : celui du 11 décembre 2012 instituant la fonction et celui, deux jours plus tard, nommant Francis Rol-Tanguy pour assurer cette mission .
Vice de procĂ©dure – « Nous considĂ©rons ces dĂ©crets comme illĂ©gaux car aucun motif de sĂ»retĂ© ne les justifie, commente la secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la FĂ©dĂ©ration nationale Mines-Energie CGT (FNME-CGT), Virginie Gensel. Ni l’AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN), qui a approuvĂ© la prolongation de l’exploitation de dix ans du rĂ©acteur n°1, ni l’exploitant EDF n’ayant formulĂ© de demande en ce sens. » Elle Ă©voque aussi un vice de procĂ©dure : ni l’ASN ni la commission locale d’information et de surveillance (CLIS) n’ont Ă©tĂ© consultĂ©es. Ainsi qu’une « mĂ©connaissance » par le gouvernement des textes lorsqu’il se rĂ©fère au code de l’énergie alors que le code de l’environnement devrait ĂŞtre invoquĂ©.
« Une dĂ©cision politique » – « Ce recours s’inscrit dans le cadre de la mobilisation engagĂ©e depuis plusieurs mois contre l’annonce par le prĂ©sident de la RĂ©publique de la fermeture de la centrale, le 14 septembre 2012, en ouverture de la ConfĂ©rence environnementale, poursuit-elle. Nous nous donnons tous les moyens de la rĂ©ussite, y compris donc par la voie juridique. » « On est sur une dĂ©cision de nature politique », s’insurge le secrĂ©taire fĂ©dĂ©ral FO Energie et Mines, Jacky Chorin. Et il brandit un article du Monde de fin janvier 2013 en attestant . Ainsi, il y a un peu plus de quatre mois, devant la Cour administrative d’appel de Nancy, le ministère de l’Ecologie jugeait « pas Ă©tabli qu’il existerait des risques graves menaçant la sĂ»retĂ© de la centrale de Fessenheim »…
Des collectivitĂ©s en ligne avec les syndicats – La commune de Fessenheim, la communautĂ© de communes Essor du Rhin et plusieurs associations, dont les Ecologistes pour le nuclĂ©aire (AEPN), ont dĂ©posĂ© un recours similaire devant le Conseil d’Etat. La maire de Fessenheim, Fabienne Stich, avait justifiĂ© cette dĂ©cision le 25 janvier, en prenant un arrĂŞtĂ©. Elle y invoque notamment « l’impact nĂ©gatif sur la vie communale et l’économie locale ». Le conseil municipal du mardi 12 fĂ©vrier Ă Fessenheim devrait largement revenir sur ce sujet de la plus haute importance pour la commune et celles des alentours.
« Pas de son, pas de lumière, pas d’image » – D’autant qu’une autre actualitĂ© se dĂ©roulera le mĂŞme jour, cette fois Ă Colmar. A l’occasion de la rĂ©union de la CLIS de la centrale nuclĂ©aire, les habitants sont invitĂ©s Ă manifester, « avec sifflets et tambours », devant la prĂ©fecture du Haut-Rhin. Les Ă©lus locaux, comme les syndicats, n’entendent pas relâcher la pression sur le gouvernement. Ils estiment que le chef de l’Etat ne tient pas ses promesses de candidat. Le 20 avril 2012, François Hollande s’était ainsi « engagĂ© » Ă mettre en place un groupe de travail sur le sujet. Or, « depuis une première rĂ©union en juin Ă laquelle les reprĂ©sentants du personnel n’avaient d’ailleurs pas Ă©tĂ© conviĂ©s, c’est silence radio : pas de son, pas de lumière, pas d’image », dĂ©plore le dĂ©lĂ©guĂ© CGT Ă la centrale Jean-Luc Cardoso.
Des travaux « jusqu’au dernier jour » – Sur le site, les travaux de renforcement du radier – c’est-Ă -dire la dalle de bĂ©ton situĂ©e sous un rĂ©acteur nuclĂ©aire -, condition Ă©mise par l’ASN Ă son autorisation de prolonger de dix ans l’exploitation, seront entrepris dès le prochain arrĂŞt de tranche, programmĂ© le 13 avril, ont annoncĂ© les syndicats. D’un coĂ»t compris entre 20 et 30 millions d’euros, il s’agit d’investissements de sĂ»retĂ© qui, en tant que tels, « se feront jusqu’au dernier jour » de fonctionnement de la centrale, a confirmĂ© le directeur de Fessenheim, Thierry Rosso, le 23 janvier.
« A fonds perdus » ? – Vice-prĂ©sident Europe Ecologie Les Verts (EELV) de l’AssemblĂ©e nationale, Denis Baupin s’en Ă©tonnait il y a quelques mois dans un courrier adressĂ© au prĂ©sident de la Cour des Comptes. S’interrogeant sur « la pertinence » d’engager des dĂ©penses « Ă fonds perdus », il proposait « de les investir prioritairement pour dĂ©velopper Ă Fessenheim une filière d’excellence en matière de dĂ©mantèlement nuclĂ©aire »…