Attendu puis reporté, le discours d’Emmanuel Macron sur la laïcité a finalement été écarté de l’agenda présidentiel. En guise de consolation, le chef de l’Etat a révélé dimanche 11 février dans le « JDD » les premières pistes de sa réflexion sur le sujet. Le président de la République veut « structurer l’islam de France » et poser durant ce premier semestre 2018 « les jalons de toute l’organisation de l’islam de France ».
Car, à l’instar de ses prédécesseurs locataires du Palais de l’Elysée, Emmanuel Macron fait le constat d’une absence d’interlocuteur privilégié entre l’Islam et l’Etat français. Plusieurs tentatives ont pourtant été faites pour créer une instance représentant le culte musulman qui est aujourd’hui incarné par le Conseil français du culte musulman (CFCM) né sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Mais conscient de son manque de représentativité et les élections de son renouvellement approchant, le CFCM a lancé en interne un groupe de réflexion pour se réformer dont les grandes lignes sont annoncées.
Réduire l’influence des pays étrangers
Autre volonté présidentielle qui toucherait le secteur local : réduire l’influence des pays étrangers notamment dans le financement des lieux de culte musulmans.
Dans un entretien accordé à la Gazette en 2017, la sénatrice (UDI) Nathalie Goulet, auteure d’un rapport « De l’Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés », dénonçait l’opacité des financements étrangers dans la construction des mosquées qui suscite suspicions et fantasmes :
En France, 20 % des lieux de culte musulmans bénéficient de fonds étrangers pour leur construction, venus principalement du Maroc, de l’Algérie ou encore de la Turquie. L’Arabie saoudite n’est pas le pays qui finance le plus l’islam en France. Et elle est traditionnellement très attentive à ce qu’elle finance, pour ne pas aggraver une réputation déjà mauvaise.
La sénatrice estime que le véritable problème du financement des mosquées par des pays tiers réside plutôt dans de la prise en charge de la formation des imams. Dans son rapport, l’élue fait état de 301 imams, sur 2 500 lieux de culte musulman en France, qui sont financés par des Etats étrangers. Le plus souvent, cet investissement se fait sous la forme de détachement de fonctionnaires, dans le cadre d’accords bilatéraux passés entre la France et les Etats finançant les mosquées concernées.
Développer le financement indirect public ?
Autre piste qui pourrait être envisagée par l’exécutif pour lutter contre le financement étranger des lieux de culte : le développement du financement indirect des lieux de culte par les collectivités publiques.
Les élus locaux sont régulièrement confrontés sur leur territoire au dilemme de savoir si c’est de leur compétence de soutenir, indirectement, les associations cultuelles dans leur quête de nouveaux lieux de culte. Juridiquement, malgré la loi de 1905, ce soutien financier est possible : le code général des collectivités territoriales permet effectivement aux communes et aux départements de garantir les emprunts contractés afin de financer, « dans des agglomérations en voie de développement », la construction par des associations cultuelles « des édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux ».
Parallèlement les collectivités peuvent aussi recourir au bail emphytéotique administratif (BEA) qui aide à la construction d’édifices cultuels. Régie par la loi du 5 janvier 1988, son utilisation pour le financement des lieux de culte a été consacrée par le Conseil d’Etat dans une décision du 19 juillet 2011 : « en autorisant la conclusion d’un bail de longue durée entre une collectivité territoriale et une association cultuelle en vue de l’édification d’un lieu de culte, le législateur a permis aux collectivités territoriales de mettre à disposition un terrain leur appartenant, en contrepartie d’une redevance modique et de l’intégration de l’édifice dans le patrimoine de la collectivité à l’issue du bail. »
Pour autant, en 2015, la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, alors présidée par Jean-Marie Bockel (UDI – Haut-Rhin), avait présenté les résultats d’une enquête réalisée à sa demande par TNS Sofres sur le financement des lieux de culte : 59 % des élus locaux interrogés se disaient défavorables au financement public des nouveaux lieux de culte.
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