La présidence de la Fédération des EPL se renouvelle tous les trois ans, avec une alternance politique. Jean-Marie Sermier succède ainsi, à l’issue du Congrès de la fédération des entreprises locales qui s’est tenu à Bordeaux, du 10 au 12 octobre, à Jacques Chiron.
Comment appréhendez-vous votre nouveau mandat à la présidence de la fédération des EPL ?
D’abord, Je tiens à remercier mon prédécesseur, Jacques Chiron, pour tout le travail accompli pendant son mandat. La fédération est en parfait état de marche, avec une équipe administrative performante, qui assure des missions d’expertise, de conseil et qui favorise les échanges d’expériences. Et la réussite de notre congrès à Bordeaux révèle bien cette vitalité.
Ensuite, force est de constater que le mouvement de l’économie mixte se développe. Nous dénombrons 1256 entreprises publiques locales, avec des sociétés d’économie mixte (SEM) historiques, des SEM qui fusionnent, des sociétés publiques locales, et les toutes nouvelles sociétés d’économie mixte à opération unique (Semop). Nous sommes vraiment armés pour faire prospérer l’économie mixte !
Quels objectifs vous fixez-vous ?
Dans les prochaines années, et il faut s’en réjouir, nous allons probablement profiter d’une certaine stabilité de nos outils juridiques. Peut-être faut-il réfléchir à la création d’un outil spécifique avec l’Etat, notamment sur les grands travaux. La création de la SPLA-IN (Société publique locale d’intérêt national) nous y invite fortement. Nous devons être prêts pour de grandes opérations d’infrastructures, car l’Etat n’est visiblement plus en capacité de porter financièrement la totalité de ces projets. Et surtout, on constate qu’à chaque alternance politique, ces grands projets peuvent être remis en cause. Faire participer les acteurs territoriaux à de tels projets est un gage de stabilité.
Comment expliquez-vous le succès du modèle « économie mixte » ?
Nous sommes à la croisée des chemins : d’un côté, l’argent public se raréfie et les régies municipales sont parfois à bout de souffle. Les métiers deviennent de plus en plus précis, nécessitent des techniciens, que la fonction publique territoriale ne peut pas systématiquement assurer. Et d’un autre côté, le modèle de délégation de service public (DSP), c’est-à-dire confier à un opérateur privé la gestion d’un service public avec un contrôle du délégant parfois défaillant, n’est plus forcément la bonne solution. Les élus comme les citoyens se montrent soucieux de ces DSP qu’ils comprennent parfois mal. La lecture de certains comptes rendus d’activité des délégataires est parfois réduite à une simple formalité, tardive et sans réelle efficacité !
En quoi l’économie mixte est-une une voie médiane ?
Elle assure un meilleur contrôle des collectivités, par la présidence de leurs élus, tout en s’appuyant sur une capitalisation et une expertise privées. C’est une orientation qui a de l’avenir : elle permettra de répondre à la demande de service public.
Il ne s’agit pas d’un discours « idéologique » : la fédération s’appuie sur toutes les composantes politiques, y compris les plus récentes. Nous sommes au-delà d’un courant de pensée philosophique. Nous ne sommes pas contre la privatisation, ni contre la régie, mais bien dans le pragmatisme au service de nos concitoyens.
Nous ne sommes pas contre la privatisation, ni contre la régie, mais dans le pragmatisme au service de nos concitoyens.
Enfin, l’exemple des EPL d’outre-mer montre que ce modèle permet aussi de garantir une certaine forme d’indépendance des territoires face au jacobinisme centralisateur. Avec l’économie mixte, nous cherchons les meilleurs outils au meilleur coût. L’économie mixte n’est pas un problème, c’est une réponse !
Vous aurez sans doute à répondre à certaines critiques ?
La Cour des comptes a publié un rapport à l’intitulé assez critique, auquel le Premier ministre a donné une réponse assez juste. J’ajoute que la liberté d’entreprise est un droit fondamental, qui appartient à tous, y compris aux collectivités territoriales. Les EPL sont bien des entreprises, soumises à de nombreux contrôles. Je regrette que la Cour des comptes formule des avis emprunts d’a priori : c’est aux élus d’agir en pleine responsabilité et dans le cadre légal.
Entreprises publiques locales : un rapport assassin… qui tombe à plat
La Cour des comptes a récemment publié une étude sur « la maîtrise des risques des entreprises publiques locales » (Sem, SPL, Semop et autres SPLA) : ses observations, rendues publiques le 27 septembre, sont particulièrement cinglantes. En résumé, ces instruments, devenus essentiels pour les collectivités, ne sont pas maîtrisés et leurs mécanismes de contrôle, de transparence et d’évaluation doivent, vite, être repensés. La faute aux EPL, selon la Cour des comptes : elles ont pleinement utilisé « au-delà des intentions initiales, toutes leur potentialités » (multi-activités, création de filiales, maîtrise parfaite du «In house »)…
Dans sa réponse, datée du 21 septembre, Edouard Philippe partage les constats de la Cour et reconnaît que le contrôle des EPL doit être renforcé. Mais il rappelle, d’une part, que les collectivités territoriales participent, en pleine responsabilité, au capital de ces EPL, et ce dans un cadre législatif bien précis et respecté. D’autre part, les six propositions d’encadrement des EPL suggérées par les magistrats financiers devraient « nécessairement être précédées d’un travail approfondi » et supposeraient de nouvelles mesures législatives.
Quelles sont les besoins, les urgences, des entreprises publiques locales ?
Nous avons besoin de stabilité et de simplification : ne pas rajouter de normes inutiles et sur-transposer les textes. Le cadre juridique des EPL doit être amélioré.
Il faut aussi faire plus confiance aux élus, qui savent ce qui est nécessaire pour leurs territoires. Je viens de rencontrer des homologues italiens et allemands, qui m’ont dit leur difficulté face à certaines fractures politiques de leurs pays, alors qu’en France, depuis longtemps, les élus locaux sont capables de s’entendre au-delà des clivages partisans
Encore une fois, le sceau des EPL, c’est le pragmatisme, la capacité d’adaptation et la curiosité d’esprit…
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