Que pensez-vous de la méthode d’Emmanuel Macron et de son pacte avec les collectivités ?
Je peux difficilement être contre. J’ai écrit une note en janvier dernier pour la Fondation Jean Jaurès, appelant à la création d’une grande instance de dialogue. Je ne change donc pas d’avis au motif que c’est un autre que François Hollande qui porte ce sujet. Mais j’ai, par contre, de vraies réserves sur le fond. On annonce, le jour-même de la Conférence nationale des territoires, des chiffes qui ne sont pas ceux de la campagne présidentielle [Emmanuel Macron a annoncé une baisse des dépenses de 13 milliards d’euros alors qu’il évoquait le montant de 10 milliards avant l’élection présidentielle, NDLR]. Par d’autres biais que cette conférence, nous apprenons également un surgel de 300 millions pour les collectivités. Par ricochet, la baisse du nombre de contrats aidés et le non-dit sur les modalités précises autour de l’exonération de la taxe d’habitation ont donné le sentiment aux élus locaux qu’on ne les considère pas. L’exercice de style est donc bien respecté, mais le fond n’y est pas.
Pensez-vous que les 13 milliards d’économie demandés aux collectivités vont dans le bon sens ?
Je constate, sur ce sujet comme sur tous les autres, que les décisions sont prises plus unilatéralement que jamais. Je n’ai pas vraiment compris de quoi nous parlions d’ailleurs.
Est-ce que ces 13 milliards correspondent à une augmentation possible des dépenses et on demande alors aux collectivités de faire attention à maîtriser leur budget ? Ou bien est-ce qu’on enlève vraiment 13 milliards aux territoires ? En rentrant dans le détail, la DGF se monte aujourd’hui à 30 milliards d’euros. Si elle passe à 17 milliards, cela va devenir extrêmement compliqué au quotidien pour les territoires.
Si la DGF passe à 17 milliards, cela va devenir extrêmement compliqué au quotidien pour les territoires.
Estimez-vous qu’Emmanuel Macron a raison de vouloir faire baisser le nombre de conseillers municipaux ?
Je comprends tout à fait que, dans un monde qui bouge, le sujet de la pluralité démocratique des élus locaux se pose. Mais, ce n’est pas parce que le sujet est populaire que l’approche est la bonne. Dans une commune comme la mienne, Fécamp en Normandie, les conseillers municipaux sont bénévoles. Attention à la démagogie, elle se retourne toujours contre ceux qui s’y lancent.
Partagez-vous l’avis d’Edouard Philippe qui estime que les emplois aidés sont « des contrats précaires », « inefficaces » pour aider au retour à l’emploi ?
Encore une fois, l’annonce a été faite de façon très dure. On peut évaluer le coût et l’efficacité de ce dispositif sans vouloir immédiatement le remettre en cause. Je considère que ces emplois ont un intérêt pour les gens éloignés du monde du travail. Ils leur permettent de retrouver un vrai rythme de vie, une dynamique positive. Parfois, ces personnes ont certes du mal à trouver un emploi après leur contrat aidé mais, bien plus souvent, elles s’en sortent très bien. Ne pas s’apercevoir que les contrats aidés sont très utiles aux services publics, dans les associations comme dans les collectivités, c’est très grave. Par ailleurs, j’ai une vraie inquiétude au sujet des personnes concernées. Elles vont probablement se retrouver au RSA, malgré la promesse gouvernementale d’ouvrir des formations. Ce sont donc les départements qui vont devoir financer ces prestations sociales. Attention aux effets de bord donc.
L’inquiétude des communes au sujet de l’exonération de la taxe d’habitation pour 80% des ménages vous semble-t-elle justifiée ?
Je suis moi-même très préoccupée. Une dotation, même bien compensée, n’a pas la même valeur symbolique qu’un produit de taxe dont un maire est libre de fixer le taux. Alors que la décentralisation va dans le sens d’une émancipation des territoires, j’ai l’impression que le gouvernement se dirige vers une vraie recentralisation des finances locales.
Pensez-vous vraiment que les intentions d’Emmanuel Macron sont aussi claires ? Les associations d’élus ont le sentiment qu’elles peinent à obtenir des informations du gouvernement…
Je pense qu’au sein du gouvernement lui-même, les ministres ne savent pas vraiment quelle direction ils doivent suivre. L’absence d’information a, en cela, une certaine sincérité. Mais le moment de vérité va prochainement arriver avec le projet de loi de finances.
Vous êtes en retrait de la vie politique depuis votre défaite aux législatives en mai dernier, après seize ans de responsabilités locales et plus d’un an en tant que secrétaire d’Etat. A quoi consacrez-vous désormais votre temps ?
Les collectivités territoriales restent ma passion et je n’arrête pas la politique. Je suis toujours conseillère municipale d’opposition et conseillère régionale. Mais je ne suis pas sûre que la politique doit faire l’objet d’une carrière professionnelle. Je cherche d’ailleurs actuellement un travail.
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