Relancé lors du rassemblement des maires du 18 novembre avec la publication du « vade-mecum de la laïcité » de l’Association des maires de France (AMF) qui prône une « reconquête de la laïcité, sans qualificatif » selon les termes de son président, François Baroin, le débat sur la présence des crèches de Noël au sein des bâtiments publics a pris de l’ampleur ces derniers jours sur la scène médiatique.
Il faut dire que la position de l’AMF est sans appel : la présence de crèches de Noël dans l’enceinte des mairies n’est pas compatible avec la laïcité. « Je n’entends pas rompre avec ces siècles qui font ce que nous sommes aujourd’hui, des Français libres et respectueux de notre passé » a très vite réagi Christian Estrosi, maire LR de Nice, par le bais d’un communiqué.
Réactions en cascade
Mais le plus virulent reste bien sûr Robert Ménard, maire de Béziers, qui est fier d’annoncer une crèche « encore plus belle et plus grande » en 2015. « Cette année, nous organisons une course pédestre des crèches au profit des chrétiens d’Orient », précise le maire qui rappelle que « la France est de tradition judéo-chrétienne quoiqu’en dise l’AMF ».
A Melun, son maire LR, Gérard Millet, a choisi de respecter la décision de la Cour administrative de Paris (lire focus) mais « à l’emplacement qu’aurait dû accueillir la crèche, seront affichées les deux décisions de justice contradictoires accompagnée de la question : la laïcité, est-elle une loi de tolérance ou une loi sectaire ?».
D’autres, à l’image notamment du député Jean-Fédéric Poisson, ont déposé une pétition « afin de défendre la présence des crèches dans les lieux publics ».
« Aider les maires »
Des réactions qui ont conduit l’AMF à s’expliquer en rappelant la finalité de son vade-mecum : « indiquer, sur des sujets très variés, les textes applicables, la jurisprudence et quelques recommandations utiles afin de sécuriser les décisions des maires ». Sans « aucune valeur contraignante », ce guide prend en compte « les traditions historiques ou culturelles de nos territoires ».
Ainsi, sur le point particulier des crèches dans les bâtiments publics, l’AMF précise que « sur ce dossier sensible et complexe qui nécessite une analyse rigoureuse et subtile des textes comme des situations, la démarche de l’AMF vise simplement à aider les maires en leur donnant toutes les informations possibles et à les alerter sur d’éventuels risques juridiques ».
Objet culturel ou cultuel ?
Faut-il définir la crèche de Noël comme un objet religieux ou une tradition ? « Si on s’en tient à l’article 28 de la loi de 1905, la réponse est claire : la crèche de Noël est un emblème religieux interdit dans l’espace public sauf s’il s’agit d’une exposition temporaire justifiée par un tradition locale » explique Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité qui a récemment renvoyé aux maires son guide pratique « Laïcité et collectivités locales » dans sa dernière version mise à jour et qui renvoie, sur ce point, à l’appréciation souveraine du juge « au cas par cas ».
Mais les appréciations du juge sont très différentes. A l’heure actuelle, deux décisions font jurisprudence et sont totalement contradictoire : la première, issue de la Cour administrative d’appel de Paris du 8 octobre 2015, juge que l’installation de la crèche de Noël dans les jardins de l’hôtel de ville de Melun doit être regardée « comme un emblème religieux au sens de l’article 28 de la loi de 1905 et non comme une simple décoration traditionnelle », ce qui par suite est contraire au principe de neutralité des services publics. Au contraire, la seconde, prononcée par les juges de la Cour administrative d’appel de Nantes, le 13 octobre 2015, considère que la crèche installée dans l’hôtel du département de Vendée «s’inscrit dans le cadre d’une tradition relative à la préparation de la fête familiale de Noël et ne revêt pas la nature d’un signe ou emblème religieux». Le juge nantais en conclut qu’elle ne méconnaît pas le principe de neutralité du service public « alors même qu’elle ne se rattache pas à un particularisme local».
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