En matière d’achat durable, les politiques des collectivités sont-elles devenues trop ambitieuses ? Si le projet de loi de finances présenté en novembre n’est plus d’actualité, le nouveau gouvernement entend bien prendre des mesures dans la future loi de finances pour limiter les dépenses publiques. Les collectivités qui avaient annoncé devoir réduire leur voilure, avec notamment des restrictions en matière de dépenses de fonctionnement pour préserver leur capacité d’autofinancement, utiliseront-elles la commande publique comme variable d’ajustement ?
Questions sur les surcoûts
Si les acheteurs s’interrogent sur leurs marges de manœuvre, pour Giancarlo Bruni, directeur de la commande publique de Toulouse métropole (37 communes, 818 500 hab.), les difficultés sont ailleurs : « Nous n’avons pas basculé dans la limitation des prescriptions en réduisant, par exemple, les produits labellisés. Nos questionnements portent avant tout sur les surcoûts liés à la conjoncture économique actuelle et l’inflation législative. »
Ces dernières années, les lois n’ont pas manqué pour donner un cap résolument tourné vers l’exigence et la qualité : produits bios pour les cantines, égalité femmes-hommes, loi « Agec » liée à l’économie circulaire, ouverture des marchés aux PME… Ces exigences sont-elles réalisables alors que la rigueur est annoncée ?
« Nous n’avons pas tiré de conséquences en matière de commande publique, assure le DGA « Ressources » de Grenoble-Alpes métropole [49 communes, 449 500 hab.], Sylvain Chanzy. La stratégie du Spaser ne sera pas adaptée. Adopté pour 2022-2026, il vise trois axes : l’environnement, l’inclusion sociale et l’économie. »
Confirmation, aussi, pour Toulouse métropole, qui porte depuis 2014 une politique d’achat responsable ambitieuse. « On ne constate pas de surcoût sur les sujets dans lesquels nous nous sommes engagés, comme le réemploi ou/et la réutilisation », ajoute Giancarlo Bruni. La loi « Agec », en exigeant une proportion de matériels informatiques de seconde main, serait au contraire favorable aux économies. « Les ordinateurs sont 20 % moins chers que les neufs. Le problème est ailleurs, nous n’avons pas de fournisseurs pouvant répondre suffisamment à nos besoins. »
Cependant, des segments d’achats, tels que les produits alimentaires locaux issus du bio, imposent un surcoût de 20 à 25 %. Pour le directeur de la commande publique de Toulouse métropole, « quand on parle d’alimentation, on ne fait pas référence à des achats de base car on privilégie la qualité ».
Mesures ciblées
Pour la métropole de Grenoble, il peut arriver que le choix de réduire les prestations s’impose sans pour autant toucher à la qualité. Il subsiste des produits qui restent plus chers, comme le papier labellisé « Forêt responsable » qui peut représenter 30 % de plus qu’un produit de base. « Notre stratégie consiste à cibler au mieux les mesures qui apportent le plus de gains en matière environnementale et économique sans toutefois revenir en arrière », ajoute le DGA des ressources de Grenoble-Alpes métropole.
Cette période de contrainte financière pourrait être une opportunité pour sortir d’une logique limitée au coût d’acquisition en la remplaçant par une approche plus large du coût global d’un produit, prenant en compte les dépenses de maintenance, la consommation d’énergie, les coûts de collecte et de recyclage. « Il faut enfin saisir l’occasion de s’interroger sur nos besoins en faisant évoluer l’achat vers la sobriété, conclut Sylvain Chanzy. Pour le mobilier, nous n’achetons plus, nous récupérons ! »
« Est-on obligé d’acheter en quantité, voire de faire des stocks ? »
Catherine Premat, responsable « collectivités territoriales et commande publique durable » de l’agence Auvergne – Rhône-Alpes énergie environnement
« La question du surcoût des politiques en faveur des achats responsables a toujours fait l’objet d’interrogations de la part des élus locaux. C’est souvent un moyen pour ne pas s’engager dans le développement durable. Avant d’acheter, il faut s’interroger sur le besoin. Est-on obligé d’acheter en quantité, voire de faire des stocks ?
Pour commencer, il faut cibler des petits marchés, comme les produits d’entretien écolabellisés. Ces achats ne sont pas plus chers car ils sont sur le marché depuis un certain temps. Sur certains secteurs, les produits peuvent être plus onéreux. C’est le cas des matériaux biosourcés pour le bâtiment ou des textiles locaux. Enfin, en faisant le choix de l’innovation, la collectivité peut bénéficier d’aides spécifiques. »
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