RĂ©ponse du ministère chargĂ© des CollectivitĂ©s territoriales et de la ruralitĂ© : Le règlement intĂ©rieur, comme le prĂ©voit l’article L. 2121-8 du code gĂ©nĂ©ral des collectivitĂ©s territoriales (CGCT), est fixĂ© par le conseil municipal « dans les six mois qui suivent son installation. Le règlement intĂ©rieur prĂ©cĂ©demment adoptĂ© continue Ă s’appliquer jusqu’Ă l’Ă©tablissement du nouveau règlement. ».
Pour ce qui concerne les conseils départementaux (article L. 3121-8 du CGCT) et régionaux (article L. 4132-6 du CGCT), le règlement est adopté dans les trois mois suivant leur renouvellement.
Le règlement intĂ©rieur ne peut porter que sur des matières relevant du fonctionnement interne de l’organe dĂ©libĂ©rant (CE, 28 janv. 1987, Riehl, n° 83097 ; CE, 18 nov. 1987, Marcy, n° 75312).
De plus, il ne peut dĂ©roger aux procĂ©dures dĂ©finies par la loi (CE ass., 30 mars 1966, Élection d’un vice-prĂ©sident du conseil gĂ©nĂ©ral du Loiret, Lebon 248).
En l’occurrence, il ne saurait porter atteinte aux droits des Ă©lus (CAA Bordeaux, 3 mai 2011, Commune d’Espalion, n° 10BX02707).
Parmi les droits des Ă©lus figure la libertĂ© d’expression (CE, 22 mai 1987, TĂŞte, n° 70085 ; CE, 28 janv. 2004, Commune du Pertuis, n° 256544).
Ă€ cet Ă©gard, le guide « LaĂŻcitĂ© et collectivitĂ©s locales » de l’Observatoire de la laĂŻcitĂ© rappelait en 2019 que « Si le principe de neutralitĂ© du service public fait obstacle Ă ce que des agents ou des salariĂ©s exĂ©cutant une mission de service public manifestent leurs croyances religieuses, ni la jurisprudence, ni la loi n’Ă©tend aux Ă©lus cette interdiction ». La libertĂ© d’expression, Ă©galement protĂ©gĂ©e au niveau supranational par la Cour europĂ©enne des droits de l’Homme, ne peut se voir imposer que des limites très strictes et des restrictions dites « lĂ©gitimes » (CEDH, 12 avril 2012, De Lesquen du Plessis-Casco c/ France, req. n° 54216/09).
En outre, l’exercice de la libertĂ© d’expression ne doit pas troubler l’ordre public, dont le respect est assurĂ© par le prĂ©sident de l’assemblĂ©e dĂ©libĂ©rante exerçant ses pouvoirs de police.
En effet, en application de l’article L. 2121-16 du CGCT, « Le maire a seul la police de l’assemblĂ©e. Il peut faire expulser de l’auditoire ou arrĂŞter tout individu qui trouble l’ordre. En cas de crime ou de dĂ©lit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la RĂ©publique en est immĂ©diatement saisi. ».
Cette disposition s’applique Ă©galement au prĂ©sident du conseil dĂ©partemental (article L. 3121-12 du CGCT) et au prĂ©sident du conseil rĂ©gional (article L. 4132-11 du CGCT).
A ce titre, la chambre criminelle de la Cour de cassation a Ă©tabli que la privation de la parole d’une conseillère d’opposition par le maire, du seul fait qu’elle arborait un insigne symbolisant son appartenance Ă la religion chrĂ©tienne (en l’espèce une croix), ne s’appuyait sur aucune base lĂ©gale. Dans cette affaire, le maire a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© coupable de refus du bĂ©nĂ©fice d’un droit par chargĂ© de mission de service public (CCas Crim., 1er septembre 2010, commune de Montreuil, n° 10-80.584).
En effet, « aucune disposition lĂ©gislative, nĂ©cessaire en vertu de l’article 9 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, pour que des restrictions soient apportĂ©es Ă la libertĂ© de manifester sa religion ou ses convictions, ne permet au maire d’une commune, dans le cadre des rĂ©unions du conseil municipal, lieu de dĂ©bats et de confrontations d’idĂ©es, d’interdire aux Ă©lus de manifester publiquement, notamment par le port d’un insigne, leur appartenance religieuse (…) ».
Par ailleurs, le Conseil d’État a jugĂ© que « la prĂ©sence d’une candidate voilĂ©e sur une liste Ă©lectorale n’est pas contraire Ă la libertĂ© de conscience, Ă l’Ă©galitĂ© des droits et au droit Ă la sĂ»retĂ©, au principe de laĂŻcitĂ©, Ă la loi sur la sĂ©paration des Églises et de l’État et n’est donc pas de nature Ă faire obstacle Ă l’enregistrement de la liste en prĂ©fecture » (CE, 3 dĂ©c. 2010, Association Arab Women’s Solidarity, n° 337079.)
En consĂ©quence, l’interdiction par le règlement intĂ©rieur d’une collectivitĂ© territoriale de l’utilisation de vĂŞtements, d’objets ou de signes ayant un caractère politique, religieux ou associatif peut porter atteinte Ă la libertĂ© d’expression des Ă©lus si cette interdiction n’est ni limitĂ©e, ni circonstanciĂ©e et n’explicite pas en quoi cette utilisation est susceptible de troubler le bon ordre des sĂ©ances.
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