Pourquoi avez-vous choisi le thème du dernier kilomètre pour le cycle de conférences et le sujet de votre prochaine étude annuelle, qui sera présentée début septembre ?
Le point modal du service public c’est le moment où il rencontre l’usager, et d’une manière générale c’est lorsque les politiques publiques rencontrent l’usager, pour atteindre leurs cibles.
Dans notre fonction consultative, lorsqu’on examine les textes, on examine bien sûr leur conformité à la hiérarchie des normes, mais on examine également si, administrativement, ils sont efficaces, c’est-à-dire s’ils atteignent leurs objectifs. Cela suppose que la politique publique ne soit pas trop complexe, qu’elle n’exclut pas des usagers qui devraient en être les bénéficiaires, et qu’elle soit accessible et adaptée aux situations des personnes concernées. Ces questions concrètes sont des préoccupations permanentes du Conseil d’Etat.
Au contentieux, les arrêts visent également à donner des solutions exécutoires aux litiges, c’est-à-dire qui soient vraiment applicables par l’administration et compréhensibles pour les usagers.
La particularité du thème du dernier kilomètre, c’est de faire une étude à 360 degrés, de regarder des politiques aussi différentes que des prestations sociales, des politiques régaliennes, des services publics. Il y a ainsi une inversion de regard par rapport à l’étude de 2018 sur la citoyenneté, à l’occasion de laquelle nous voulions mettre déjà l’usager au cœur des politiques en le faisant notamment participer à l’évaluation ex post des politiques publiques, mais où nous le regardions toujours du côté de l’auteur de la politique publique ou de celui qui définit l’action publique.
Là, c’est un vrai changement de posture, nous nous mettons « à la place » de l’usager et des acteurs qui ne sont pas nécessairement ceux qui définissent la politique publique mais qui la mettent en œuvre sur le terrain. Les demandes qui peuvent être exprimées, pour disposer d’un interlocuteur unique ou pour obtenir une simplification de l’accès à la politique publique, font en cela tout à fait partie du dernier kilomètre.
Ce sujet touche à l’articulation entre l’action de l’Etat et celle des collectivités, avec toutes les questions que cela pose en termes de différenciation, marges de manœuvre et autonomie…
C’est un point essentiel, qui en soi va d’ailleurs au-delà de l’État et des collectivités puisqu’il existe des politiques publiques mises en œuvre par des acteurs associatifs, par exemple des acteurs du secteur médicosocial.
A cette fin et depuis 7 mois, nous avons réalisé près de 200 auditions et rencontré des interlocuteurs qui se trouvent dans des situations très diverses vis-à-vis des politiques publiques : des usagers, des associations, des organisations syndicales ou professionnelles, des administrations déconcentrées et l’administration préfectorale, et des collectivités territoriales, des élus. Nous voulions avoir tous les points de vue, afin d’étudier pleinement ce qui marche et ce qui ne marche pas, quel que soit l’interlocuteur institutionnel de la politique publique.
Il est certain que dans cette approche de l’action publique par le prisme de l’usager, les collectivités locales ont une place majeure, ce sont des interlocuteurs de premier rang qui portent nombre de politiques publiques du quotidien.
Dans nos auditions nous avons par exemple entendu les éclairages de la maire de Guéret, Marie-Françoise Fournier, du président de la région Grand Est, Jean Rottner [qui a démissionné de ses fonctions depuis, Franck Leroy lui ayant succédé le 13 janvier dernier], ou encore du président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, dont les usagers sont parfois dans des situations qui nécessitent une adaptation des outils et des méthodes spécifiques.
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