Julien Damon s’intéresse depuis des années à l’urbanité, et notamment aux personnes qui se retrouvent en marge de la ville – sans-abri, habitants des bidonvilles. Il revient aujourd’hui avec un essai consacré à un sujet pour le moins original car intime et souvent ignoré, les toilettes publiques : « Toilettes publiques. Essai sur les commodités urbaines » (Les Presses de Sciences-po, mars 2023). Ce sont ses observations sur les sans-domicile qui l’ont conduit à s’intéresser à la thématique, car « il est extrêmement compliqué de conserver une dignité humaine quand l’on n’a pas accès aisément aux waters ».
A ces inégalités sociales s’ajoute celle, bien visible, du genre – femmes et hommes n’ont pas les mêmes facilités pour satisfaire leurs besoins une fois sortis de chez eux. Et les professionnels de la mobilité, comme les taxis et les livreurs, sont aussi concernés.
Si le point d’entrée du livre est l’inégalité, il aborde aussi l’histoire. L’Antiquité romaine a révolutionné l’humanité urbaine avec ses barils d’aisance, ses latrines collectives et ses systèmes d’égouts. Puis, à l’époque industrielle, l’augmentation de la population dans les agglomérations a conduit à la prolifération des contagions, tel le choléra. A Londres, à Paris, les toilettes publiques sont ainsi venues comme une réponse aux enjeux de santé publique. Invention française du XIXe siècle, la vespasienne a permis aux hommes de se soulager. Les femmes, elles, ont dû patienter encore un siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, les efforts se tournent vers l’équipement en sanitaires des logements et les toilettes publiques sont peu à peu délaissées. En 1980, Jean-Claude Decaux révolutionne la ville avec la sanisette, W.-C. public à nettoyage automatique. Mais les inégalités persistent.
Existe-t-il une obligation d’installer et d’entretenir les toilettes dans l’espace public ?
Ce sujet est généralement vu comme secondaire. Aucune obligation ne pèse sur les collectivités pour proposer des toilettes publiques à leurs habitants, même si les élus locaux sont responsables de la propreté et de la salubrité de l’espace public en général. Pas d’obligation non plus pour les gestionnaires des centres commerciaux, des gares, du métro. En revanche, les employeurs doivent assurer des cabinets pour leurs salariés, selon le code du travail. La seule contrainte qui concerne les toilettes publiques est leur accessibilité aux personnes handicapées.
Je trouve cette absence d’obligation étrange, d’autant que ces équipements nous permettent, à tous, de satisfaire nos besoins. Ce n’est pas tant l’implantation des toilettes qui coûte cher, c’est leur entretien. Certes, cela a un coût pour la collectivité, mais il vaut le coup ! D’abord, pour permettre aux sans-abri de faire leurs besoins en conservant leur dignité. Ensuite, il est fondamental pour les touristes d’avoir accès à des toilettes de qualité. Enfin, avec la progression de la mobilité, de plus en plus de personnes sont concernées. Et leur nombre va augmenter car nous sommes une société vieillissante. Si les femmes et les hommes veulent continuer à fréquenter l’espace public, ils auront de plus en plus besoin de ces installations. C’est une question d’égalité et de qualité de la ville.
Les toilettes publiques devraient être
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Gazette des Communes, Club Santé Social
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