Même si le but de la démarche, comme l’a spécifié le président de la commission, Claude Bartolone (député PS de Seine-Saint-Denis et président du conseil général), n’était pas de « juger » la stratégie de la banque, le ton a néanmoins été donné dès le début de l’audition : « Le panorama dressé lors des précédentes auditions sur les établissements de crédit est peu flatteur, en particulier concernant ceux avec lesquels les collectivités locales avaient une longue habitude de travail et de confiance ».
Bien que les membres de la commission se soient montrés pugnaces, il leur a été difficile d’avoir des réponses sur la responsabilité de Dexia. Ses représentants, au premier rang desquels Pierre Richard, ancien président de Dexia, ont en effet servi un discours bien huilé reprenant les principaux axes de défense présentés par Pierre Mariani, actuel président du Comité de Direction de Dexia, lors de son audition deux semaines auparavant.
L’offre de Dexia correspondait à un contexte et à une demande
Dès le départ, Pierre Richard a repris un discours aux airs de déjà vu : « Nous sommes intervenus dans un contexte où les marchés financiers ont pris une place énorme dans le financement de l’économie. Dexia-Crédit Local a répondu aux demandes des collectivités locales qui désiraient bénéficier des opportunités de marché afin de réduire le taux d’intérêt de leurs encours ».
Il ajoute même : « Il existait un encouragement généralisé pour que les collectivités soient plus actives dans la réduction des charges de leur dette ». Dès lors, d’après les représentants de la banque, Dexia n’a fait que remplir sa mission, poussée dans cette voie par une concurrence de plus en plus rude.
Une offre réglementée et adaptée aux collectivités
Les acteurs présents ont fait valoir plusieurs précautions prises par la banque. Mais ces arguments ont été retoqués, un par un, par les membres de la commission.
Tout d’abord, les représentants de Dexia ont affirmé que les contrats étaient transparents. « Alors, comment expliquer que certains contrats de produits structurés portaient le nom « Tofix »? », s’est interrogé Jean-Pierre Gorges, le rapporteur. Réponse de Gérard Bayol, ancien directeur général de Dexia Crédit Local : « On les a appelés « Tofix Dual », car la première période était à taux fixe ». Sans préciser que cette première période, dite bonifiée, ne dure que 3 ans, alors que la période à taux variables peut durer jusqu’à 30 ans…
Les représentants de la banque ont également évoqué un comité d’éthique ainsi qu’une règle selon laquelle les produits complexes n’étaient pas proposés aux collectivités ayant moins de 10 000 habitants. A ce sujet, Claude Bartolone a rappelé le cas d’une collectivité du Loir-et-Cher qui a contracté un emprunt indexé sur l’euro/franc suisse et qui ne compte que 984 habitant. Et ce cas est loin d’être isolé, comme l’a montré l’audition concernant les petites collectivités, notamment Unieux (8340 habitants) ou Trégastel (2300 habitants) confrontées à l’explosion de leur taux d’intérêt.
Une stratégie de commercialisation non agressive
Enfin, la banque s’est défendue d’avoir eu une politique commerciale agressive : « Nous n’avions que 300 commerciaux chargés de répondre aux appels d’offre et de l’accompagnement », a précisé Gérard Bayol.
Ce n’est pourtant pas ce qu’a vécu Jean-Marie Binetruy, président de la communauté de communes du Val-de-Morteau, qui a fait part de son expérience des commerciaux de Dexia : « La communauté de communes dont je suis président a résisté aux nombreux assauts concernant une renégociation. Par contre, une commune membre s’est laissée faire : on est venue la voir pour remplacer des taux fixes par des taux structurés. Il y a eu une incitation extrêmement forte ».
Ces propos peuvent d’ailleurs être rapprochés de ceux qu’a tenus Olivier Nys, directeur général des services de la ville de Reims et de Reims Métropole, lors d’une précédente audition : selon lui, en 1999, Dexia a invité des décideurs du Grand Est à visiter pendant quatre jours ses filiales à Rome. L’opération aurait porté ses fruits puisque, d’après Olivier Nys, de gros emprunts ont été contractés à son issue, et ceci, sans mise en concurrence.
Dexia estime que le bilan reste positif
Pourtant, pour Pierre Richard, le bilan reste positif. Selon lui, le principal problème dans cette histoire est la crise : « Nous faisions des stress tests mais la réalité a dépassé nos hypothèses. Malgré cela, globalement, le taux moyen des encours de prêts de Dexia aux collectivités est modéré. Il existe, malheureusement des cas douloureux, mais il faudrait faire une analyse objective d’ensemble pour mesurer leur impact sur le long terme ».
Quant aux solutions pour sortir de la crise actuelle, liée au stock de dette des collectivités locales, aucune piste n’a été évoquée. Dexia fait valoir que 50% des collectivités locales ont refusé leurs offres de sortie d’emprunts, sans préciser que les soultes demandées étaient sans doute rédhibitoires.
Pour le reste, notamment concernant la possibilité d’une structure de défaisance, la commission est, là aussi, restée sur sa faim.
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Emprunts toxiques : comprendre l’engrenage
Sommaire du dossier
- Emprunts toxiques : comprendre l’engrenage
- Emprunts toxiques : « Nous exercerons une pression sur les banques » affirme Claude Bartolone
- Emprunts toxiques : décryptage des mesures proposées par la commission Bartolone
- Rapport Bartolone sur les emprunts toxiques : « Bien mais peut mieux faire »
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- La mécanique infernale des emprunts structurés
- Emprunts toxiques à l’hôpital : un outil à double tranchant
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