Le Président de la commission, Claude Bartolone (député de Seine-Saint-Denis et président du conseil général) et le rapporteur Jean-Pierre Gorges (député de l’Eure-et-Loir) ont écouté avec attention l’éclairage des experts conviés. La commission est tout de suite entrée dans le vif du sujet en abordant l’épineuse question de la couverture contractée par les banques. La compréhension de ce mécanisme permet de répondre à deux interrogations : comment les banques se sont-elles couvertes par rapport aux risques pris par les collectivités et pourquoi demandent-elles une soulte si importante pour sortir d’un emprunt toxique ?
Les rouages des emprunts toxiques – Alban Caillemer du Ferrage, avocat associé au cabinet Gide, a répondu sans ambiguïté : « Les établissements bancaires ne sont que des intermédiaires. Ils se couvrent auprès d’autres établissements, comme la BNP, la Société Générale ou Goldman Sachs en prenant des positions symétriques. Les banques n’ont pas vocation à garder une position qui joue contre leurs clients ». Cet éclairage explique pourquoi la somme demandée par les banques pour sortir des emprunts toxiques est si élevée. En effet, comme elles sont engagées dans un contrat similaire, elles doivent elles-mêmes honorer une soulte dont le montant est fixé par leur contre-partie. Ensuite, pour calculer le montant de la soulte que devra honorer leur client, elles ajoutent à cette somme le manque à gagné lié au non remboursement des taux d’intérêts.
Une véritable machine de guerre – La mécanique des emprunts toxiques ne s’arrête pas à l’aspect financier car il s’agit surtout d’une guerre commerciale. Les banques ont adopté une stratégie très offensive pour vendre ces produits. En effet, dans les années 2000, les banques rivalisaient d’ingéniosité pour fabriquer et vendre ces produits structurés aux collectivités locales. Celles-ci représentaient les proies idéales car elles apparaissaient sans risque pour les établissements. Olivier Nys, directeur général des services de la ville de Reims et de Reims Métropole rappelle, par exemple, qu’en 1999, Dexia a invité des décideurs du Grand Sud Est pendant quatre jours à Rome pour visiter ses filiales. Bilan de l’escapade : des emprunts de gros volumes, bien margés, contractés sans mise en concurrence. Mais les rouages allaient plus loin : tout le dispositif reposait sur la possibilité pour les collectivités locales de réaménager leur dette une fois le risque avéré. Cette restructuration représentait, pour les banques, l’occasion de proposer de nouveaux produits structurés aux marges encore plus intéressantes. Mais attention, interpelle Olivier Nys : « La question de la déontologie se pose des deux côtés: ceux qui proposent et ceux qui acceptent ». En clair, les collectivités doivent assumer leur part de responsabilité.
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Emprunts toxiques : comprendre l’engrenage
Sommaire du dossier
- Emprunts toxiques : comprendre l’engrenage
- Emprunts toxiques : « Nous exercerons une pression sur les banques » affirme Claude Bartolone
- Emprunts toxiques : décryptage des mesures proposées par la commission Bartolone
- Rapport Bartolone sur les emprunts toxiques : « Bien mais peut mieux faire »
- Avant-dernier acte de la commission d’enquête sur les emprunts toxiques
- La mécanique infernale des emprunts structurés
- Emprunts toxiques à l’hôpital : un outil à double tranchant
- Emprunts toxiques dans les petites communes : les banques présumées coupables
- Emprunts toxiques : le monde HLM relativement préservé
- Emprunts toxiques : les précisions de la Caisse des dépôts sur le futur cadre de financement des collectivités
- Emprunts toxiques : le cas de Saint-Etienne passé au crible des députés
- Emprunts toxiques : la parole est à la défense
- Emprunts toxiques : Dexia, principal « accusé », entendu par les députés
- Emprunts toxiques : les experts éclairent le brouillard des produits structurés
- Emprunts toxiques : l’Etat invoque ses limites