« Qui a tué la start-up d’Etat Mes-Aides ? » C’est une question digne d’un Cluedo à l’échelle de l’Etat que s’est posée la chercheuse Marie Alauzen, sociologue, autrice de la thèse « Plis et replis de l’Etat plateforme. Enquête sur la modernisation des services publics en France ».
Dans le cadre de son terrain de thèse, elle a notamment étudié la trajectoire de « Mes-Aides », racontée dans « Splendeurs et misères d’une start-up d’Etat : Dispute dans la lutte contre le non-recours aux droits sociaux »(1).
Dispute inédite au sein de l’Etat
Elle y évoque « dans les coulisses de la modernisation de l’Etat français, un décès sans coupable ni bain de sang : […] un simulateur de droits sociaux en ligne, […] objet technique qui pourrait sembler ennuyeux et de faible teneur politique [qui] a été, pendant plus de cinq ans, le sujet d’une dispute inédite, opposant les acteurs de la modernisation de l’Etat à ceux des politiques sociales, sur les moyens et la finalité de la lutte contre le non-recours aux droits et prestations sociales. »
Cet objet, un simulateur ambitieux né en 2014 et qui se base sur Open Fisca, était porté initialement par une petite équipe d’agents composant la première start-up d’Etat, Mes-Aides. « Deux événements se sont conjugués : les résultats d’un projet de recherche-action sur le non-recours aux droits sociaux, et l’ambition de faire d’Open Fisca un commun », explique Marie Alauzen à « La Gazette ».
« L’ambition de la recherche-action dont hérite en partie la start-up était de se placer du point de vue du non-usager, celui qui, a priori, ne va pas voir l’administration » : une ambition qui a d’ailleurs conduit le président François Hollande à promettre, en 2014, que le simulateur va « changer la vie de beaucoup de nos concitoyens ». Mais qui nécessitait des ajustements pour pouvoir être utilisé comme un outil pour les accompagnants, tels les travailleurs sociaux.
Passer du français au Python
De plus, la mise en œuvre de cette application, qui transcrivait les règles sociofiscales en règles de calcul informatique, a eu plusieurs conséquences, à commencer par un changement formel dans la langue utilisée : « On passe d’une langue administrative qui est le français, depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts, à du langage Python », résume Marie Alauzen. En effet, les agents travaillent à transposer
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Gazette des Communes, Club Santé Social
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Quand dématérialisation rime avec marchandisation des services publics
Sommaire du dossier
- Services publics : quand dématérialisation rime avec marchandisation
- Marchandisation des services publics numériques : comment en est-on arrivé là ?
- La tragique histoire de Mes-Aides
- Marchandisation des services publics : aux frontières de la légalité ?
- Cartes grises : face à la fermeture des guichets de préfecture, l’usager devient un client comme les autres
- La Défenseure des droits regrette « l’éloignement des services publics dû à la dématérialisation »
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