«Il y a des photos, on ne les a pas inventées ! » lance Alain Rivière, président du groupement pastoral de Montferrier en Ariège, éleveur de brebis tarasconnaises de sélection, de chevaux de Mérens et de vaches limousines, qui stocke toujours, à l’arrière de son 4 x 4, quelques bâches en plastique pour recouvrir d’éventuelles dépouilles. Ce jour-là , il nous emmène à la station des Monts d’Olmes, où ses animaux paissent en estive à 2 000 mètres d’altitude. Ce territoire, il y est profondément attaché. Il connaît par cœur sa faune et sa flore, qu’il consigne avec passion dans des albums photos. « Vous voyez ce rocher là -bas ? Quand Armstrong a marché sur la Lune, je surveillais les bêtes ici, le transistor à côté de l’oreille », se remémore-t-il.
Des souvenirs heureux qui tranchent avec les clichés qu’il nous présente ensuite, montrant un hématome sur la carcasse d’un animal et le récit d’une prédation dont son troupeau a été victime en septembre 2017. Ses échanges téléphoniques avec des membres de l’Office français de la biodiversité ont été constatés par huissier. « L’attaque s’est déroulée ici, à 300 mètres de la station. Il y a eu plusieurs témoins qui ont affirmé avoir vu l’ours », raconte-t-il avec émotion. En dix ans, il estime qu’une dizaine d’attaques sur ses troupeaux est attribuable au plantigrade, même si celles-ci n’ont pas toutes été reconnues par l’Etat et qu’une procédure judiciaire est toujours en cours pour la plus récente.
Guerre des chiffres
Le débat « pro ou anti-ours », « c’est l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin et du loup », résume-t-il. C’est aussi compliqué et aussi simple que cela. Comment concilier grand prédateur et pastoralisme ? La question paraît insoluble. Un désarroi et une incompréhension partagés par Frédéric Laffont, maire (PS) de Montferrier, qui pointe un juste milieu impossible à trouver : « On veut nous opposer à l’écologie, mais l’écologie, c’est aussi pouvoir vivre du mieux possible sur nos territoires. » « C’est nous ou les ours ! » tranchent ces éleveurs ariégeois, qui ne peuvent concevoir l’idée d’une « cohabitation ». Ils se sentent menacés par la présence de l’animal et redoutent sa prolifération.
Selon l’Etat, on dĂ©nombre 52 ours en 2019, dont une dizaine d’oursons dans les PyrĂ©nĂ©es. Un record depuis les annĂ©es 50, grâce aux programmes de rĂ©introduction de l’espèce portĂ©s par l’Union europĂ©enne. « Nous pensons qu’ils sont au moins 80 », indique l’élu. Cette guerre des chiffres concerne aussi les attaques. Selon un bilan rĂ©alisĂ© l’an dernier par la direction rĂ©gionale de l’environnement, de l’amĂ©nagement et du logement, il y aurait eu 1 173 dossiers d’indemnisation pour des dommages oĂą la responsabilitĂ© de l’ours n’a pas Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e. Une estimation revue Ă la baisse après intervention de l’association Pays de l’ours – Adet, pour redescendre Ă Â 562. A en croire les Ă©leveurs, « c’est bien plus », sans qu’ils ne donnent davantage de prĂ©cisions. Surtout, ils sont persuadĂ©s que les attaques sont
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Prédateurs et éleveurs : les maires au coeur de la mêlée
Sommaire du dossier
- Le pastoralisme à l’épreuve des grands prédateurs
- Un « récit commun » afin d’apprendre à vivre avec le loup
- Les plantigrades jouent leur survie, les éleveurs aussi
- Grands prédateurs : des maires coincés entre chien et loup
- Grands prédateurs : « L’élu peut compatir, mais s’enfermer dans le pour ou contre n’est pas durable »
- Face aux loups et aux ours, les élus de montagne sortent les griffes
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