L’économie est prise de vertige face à la crise du coronavirus. Les premières estimations inscrites au projet de loi de finances rectificative présenté au gouvernement mercredi 18 mars prévoient une baisse des recettes fiscales de 10,7 milliards d’euros pour l’Etat à 282,3 milliards d’euros contre 293 milliards prévus en loi de finances initiale.
Le ministre de l’Action et des comptes publics Gérald Darmanin a également indiqué dans une interview aux Echos du 17 mars qu’il anticipe désormais une possibilité de récession en 2020 avec un PIB à -1 % et un déficit qui pourrait grimper à 3,9 % du PIB contre 3,1 % en 2019. Mais c’est surtout 1,7 point de plus que l’objectif fixé en 2020.
L’effort financier des pouvoirs publics de 45 milliards d’euros approche déjà les 1,9 point de PIB. Selon le consultant économiste François Ecalle, qui a modélisé l’impact de la crise actuelle sur les comptes publics en se basant sur la crise financière de 2008, le déficit public pourrait déraper de 4 à 5,5 % entre 2020 et 2024, tandis que la dette publique pourrait culminer fin 2024 jusqu’à 116 % du PIB, sous réserve d’une action volontariste de rachat de titres publics de la BCE, comme elle semble l’avoir décidé dans la nuit du 18 au 19 mars.
Mais quelle que soit l’action politique et financière menée, la trajectoire de désendettement des finances publiques française, qui devait déjà être recalée avant l’été, va déraper franchement, ce qui ne sera pas sans conséquences pour les finances des collectivités.
Les collectivités soumise à l’effort budgétaire
Comme le disait Bossuet, qui sait le passé peut appréhender l’avenir. La crise financière de 2008 peut ainsi donner quelques indications sur la façon dont l’Etat impliquera les collectivités dans le redressement des comptes publics. C’est en effet quelques mois après la crise de 2008 que fut décidée par Nicolas Sarkozy la suppression de la taxe professionnelle dont 60 % du produit était en fait supporté par l’Etat.
Après la réforme, la CVAE et la CFE ne couvrent plus que 70 % de l’ancienne taxe professionnelle a calculé les services études de la Banque Postale l’an dernier. En rajoutant l’IFER, « seuls 22,5 milliards des 30 milliards que rapportait la TP ont pu être sauvés, les 7,5 milliards restants se sont transformés en fiscalité transférée puis en variable d’ajustement et quasiment plus à rien aujourd’hui » précise de son côté Michel Klopfer.
Ce dernier, persuadé que l’Etat sauvera – à raison – d’abord les entreprises et les emplois avant les équilibres financiers des collectivités, craint donc un nouvel appel à contribution des administrations publiques locales pour résorber l’aggravation prochaine du déficit public.
François Hollande avait instauré une baisse de 11,5 milliards d’euros des dotations de l’Etat, son successeur a imaginé un dispositif contractuel de maîtrise des dépenses réelles de fonctionnement, moins violent mais toutefois contraignant pour les 322 plus grandes collectivités et concomitant à une recentralisation de la fiscalité locale via la disparition de la taxe d’habitation.
Sous quelle forme l’Etat demandera-t-il cette fois un effort supplémentaire aux pouvoirs locaux ? Décidera-t-il, comme il était déjà poussé à le faire depuis quelques mois, de réduire les impôts de production afin de faciliter la relance des entreprises ? Introduira-t-il des nouvelles contraintes sur les collectivités dans le cadre de la renégociation des contrats de Cahors en inscrivant notamment une clause contraignante de désendettement ? Recourra-t-il de nouveau à une baisse des dotations ?
Nouvelles contraintes en perspective
Il est évidemment trop tôt pour dire ce qui sera fait. Mais les représentants des collectivités savent déjà qu’elles sont exposées. Si le président de l’AMF François Baroin a bien assuré « au chef de l’État du plein et entier soutien et de l’engagement sans faiblesse de chaque maire dans l’accompagnement local des mesures nationales », son secrétaire général Philippe Laurent a d’emblée prévenu que « ce n’est pas aux collectivités de payer pour Bercy » compte tenu « des efforts déjà accomplis pour ne pas se retrouver en déficit ».
La potion sera d’autant plus amère que les ressources des collectivités devraient également être rapidement sous pression, notamment à cause de la baisse de l’activité économique. La fraction de TVA due aux régions risque en effet d’être ramenée à son taux plancher correspondant à la DGF 2017, soit une baisse de 6,4 % par rapport à 2019. Les collectivités peuvent également s’attendre à une possible baisse de leur produit de CVAE qui ne bénéficie pas des mêmes mesures de garanties.
Les départements doivent anticiper au moins un tassement de leur DMTO du fait de l’atonie actuelle du marché immobilier, mais aussi à une hausse de leurs dépenses sociales si la crise perdure. Enfin le bloc communal risque de subir les conséquences d’une inflation que Bercy ramène à 0,6 % pour 2020 sur le niveau de revalorisation forfaitaire de leurs bases locatives.
Ainsi, si les élus locaux ont bel et bien retrouvé quelques marges de manœuvres financières locales, elles pourraient vite être entamées à court terme, à une vitesse et une intensité qui dépendra de la durée de la crise et des décisions nationales pour la parer.
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