Comme le constatait Xavier Desjardins, géographe, dans nos colonnes, voici une poignée de semaines : « La planification ennuie les élus. » A la lecture des innombrables schémas auxquels doivent se soumettre les collectivités, difficile de leur donner tort. Entre complexité abyssale et syndrome du verbiage, ces documents découragent bien des volontés. Ainsi en est-il d’une partie de la production de la métropole du Grand Paris (MGP), qui, à défaut de bénéficier de ressources dignes de ce nom, fabrique de la norme. Exemple : son schéma de cohérence territoriale (Scot), en cours d’élaboration.
Certes, les citoyens participent à la genèse de ce plan d’aménagement du Grand Paris, à la faveur de réunions publiques et de « balades urbaines ». Mais dès l’introduction de la version provisoire de la synthèse du diagnostic (!) du Scot métropolitain, ils se cassent les dents. En cause : un schéma ahurissant, composé d’une pléiade de sigles opaques et de flèches qui vont dans tous les sens.
Courteline aurait fait son miel de ce Scot métropolitain qui doit être en « compatibilité » avec le Sdrif, le PGRI, le Sdage, les « dispositions particulières », les « zones de bruit des aéroports », mais aussi le PDUIF ! Par charité, nous vous épargnerons la signification de tous ces acronymes. Car ce n’est là qu’un amuse-bouche.
Verbiage
Lorsqu’il entrera en vigueur, le Scot métropolitain devra aussi prendre en compte le SRCE, le SRC, le SRHH ainsi que les programmes d’équipement public de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements de service public ! Décidément magnanime, nous vous ferons l’économie de la relation singulière qui lie ce document de la plus haute importance stratégique au PLU-I et au PCAEM.
Le président de la métropole du Grand Paris, Patrick Ollier (LR), aura beau jeu, lui, de préciser, que cette usine à gaz sans gaz (pour l’heure, le Scot, rappelons-le, n’est pas entré en vigueur) lui a été imposée par l’Etat. La « schématologie », c’est vrai, n’est pas propre au Grand Paris. Si l’on descend dans le Sud, on repère d’autres syndromes.
Au moment de présenter sa stratégie régionale pour un aménagement durable et attractif des territoires (ouf !), le président de Provence – Alpes – Côte d’Azur, Renaud Muselier (LR), vante « une région aux multiples atouts » qui « jouit d’un exceptionnel patrimoine naturel, architectural, culturel et humain ». « Le premier de nos objectifs consiste à préserver le caractère exceptionnel de notre région en lui procurant les moyens de se développer harmonieusement en s’appuyant sur ses nombreuses richesses afin de les faire fructifier selon un nouveau modèle de développement. » Bien malins ceux qui auront saisi, à la lecture de cette prose, quelles sont ces priorités… Les homologues de Renaud Muselier en Normandie, en Bretagne ou en Aquitaine pourraient tenir le même propos !
Le schéma des schémas
Le nec plus ultra en matière de « schématologie » reste le Sraddet. Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire s’impose aux autres documents de planification. A tel point que les initiés le qualifient de « schéma des schémas ». A la lecture de certains Sraddet, cette mécanique semble pourtant grippée. Ces schémas n’échappent pas toujours au verbiage. « Pour que le Grand Est soit une terre d’équilibre et de bien-vivre, une région attractive, entreprenante, innovante, il n’appartient qu’à nous de réussir ces objectifs », peut-on lire en introduction des travaux de la région, présidée par Jean Rottner (LR).
Jean-Luc Boeuf* : « Parlez-vous le contrat de plan ? »
« Parlez-vous le contrat de plan Etat-régions ? Non ? Alors voici quelques astuces pour en comprendre les mots clés. Effet-levier, par exemple… Comment l’Etat, sur l’un de ses projets dans ses propres compétences, arrive en mettant seulement un euro à en récolter trois ou quatre ? Grâce à l’effet-levier justement. Les collectivités accourent et se disputent pour financer les projets de l’Etat. Très importante aussi, la mi-parcours. C’est une formule magique pour dire que votre projet ne sera pas retenu. En revanche, « dans le cadre de l’évaluation à mi-parcours », tous les espoirs sont permis. Mais les faits sont têtus. Depuis leur création, en 1984, l’Etat met de moins en moins de moyens dans les contrats de plan. Pourtant, tel le beaujolais nouveau, l’attente au moment des négociations n’en est pas moins fébrile dans les collectivités ! »
*DGS du conseil départemental de la Drôme
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Service public : les ravages de la novlangue
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