Dans le couloir qui dessert la classe de CP, Mattéo et Christivie jouent à la marchande en chuchotant. Plus loin, dans le coin « écoute », assis sur un tabouret haut, Doris travaille la lecture à haute voix, seul face à un dictaphone. Dans la salle de classe, un élève s’applique à l’écriture de quelques phrases, en équilibre sur un ballon, tandis qu’un autre fait des additions dans le coin des mathématiques. Pendant ce temps, un petit groupe œuvre dans le calme à la production d’écrits avec l’enseignante Valérie Olivier. Bienvenue dans l’une des 2 200 classes de CP dont les effectifs ont été divisés par deux en 2017. Avec ses murs en brique rouge, ses classes lumineuses et gaies, sa grande cour fleurie, l’école du Tour-de-Ville, à Soissons (28 500 hab., Aisne), fait l’effet d’une carte postale. Ses élèves cumulent pourtant difficultés sociales et scolaires : 80 % d’entre eux habitent le quartier de Chevreux, l’un des dix plus pauvres de France.
Poufs, ballons, tabourets ergonomiques
Située en réseau d’éducation prioritaire renforcée (REP +), l’école a bénéficié de huit classes dédoublées en deux ans. Selon son directeur, Philippe Culem, les résultats sont encourageants : « Jusqu’à présent, nous avions des élèves qui entraient en CE2 sans savoir lire. Cette année, tous les effectifs de CE1 savent déchiffrer et la majorité possèdent une bonne compréhension », se réjouit-il. « Certes, les résultats sont toujours en deçà de ceux des élèves qui ne sont pas en REP, mais l’écart s’est réduit », complète Justine Bomy, une autre enseignante de CP. Le département de l’Aisne, qui comptait 17,2 % de jeunes en difficulté de lecture en 2018 (1), bénéficie du soutien de l’équipe de chercheurs du linguiste Alain Bentolila, qui suit et forme les professeurs de l’académie d’Amiens et mesure les résultats obtenus grâce aux effectifs réduits.
Surtout, le dédoublement des classes facilite l’adoption de pédagogies innovantes, comme la classe flexible. « Elle permet de créer des espaces de travail qui répondent aux besoins du moment », détaille Justine Bomy. Depuis le mois de mai, les deux enseignantes bénéficient d’un prêt de tables modulaires et de sièges à roulettes de la part d’une entreprise. Poufs, ballons, tabourets ergonomiques, chaises au sol… C’est à l’élève de choisir l’assise la plus adaptée. « Cela augmente son plaisir et son implication, et mobilise son attention lors des apprentissages », confirme Valérie Olivier.
Travail en coins, en îlots
Le choix du mobilier est le fruit d’une réflexion mûrie tout au long de l’année, mais n’a pas été fourni par la mairie, contrainte par un marché en cours. « Ce projet, on ne l’avait pas en tête en septembre 2017. Les besoins sont apparus au fur et à mesure que l’on a fait évoluer nos pratiques », insiste Valérie Olivier. Un peu plus loin, la classe de CE1 de Carole Zmijewski est, elle, entièrement dotée de mobilier flexible que la mairie a cette fois pu acheter pour la rentrée 2018. Les tables à roulettes sont repliées au fond de la classe. Sur le pupitre d’art visuel, lui aussi sur roulettes, quelques œuvres restent en attente. Deux élèves vont soudain chercher sous la fenêtre un très long tableau qu’elles font rouler jusqu’au centre de la pièce. De part et d’autre, les fillettes posent des opérations à trou et s’interrogent mutuellement. « La classe flexible facilite le travail en coins, en îlots, en interdisciplinarité, comme on le fait en maternelle. Il développe l’autonomie de l’élève qui va chercher lui-même son matériel, à disposition dans le buffet à roulettes. On ne fait plus de cours magistral, mais on suit le rythme de chaque enfant », expose l’enseignante.
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Gazette des Communes, Club Éducation et vie scolaire
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