Aucun tweet vengeur n’y a été consacré. Pas le moindre communiqué non plus à son propos. Encore moins de colloque en préparation. Et pourtant, le mal court, sapant les fondements du service public. De l’urbanisme à la culture, en passant par le social, aucun domaine n’échappe à son empire. Avec son cortège de sigles abscons et de phrases interminables, la novlangue envahit tout.
Ainsi, la maire (PS) de Nantes Johanna Rolland loue sa métropole « qui permet d’être au monde sans le subir ». Que veut-elle dire par là ? Mystère et boule de gomme. Le candidat dans la capitale Benjamin Griveaux (LREM) n’est pas en reste, qui, devant des responsables associatifs de la capitale, glose sur « la granularité de la data » et le « goodwill réputationnel ». Un sabir techno-managérial en forme de voyage au bout de l’ennui. Quant aux gourous de la démocratie participative, ils se posent en grands manitous de la « citoyenneté active ». L’expression sonne agréablement aux oreilles. Mais la citoyenneté n’est-elle pas, par définition, active ? Peu importe. Ce pléonasme fait autorité, à l’instar du « tri sélectif ». « Est-ce si grave, docteur ? » relativisent certains.
Tour d’ivoire
Après tout, chaque milieu produit son jargon et il ne faut pas confondre technicité et novlangue. Ces arguments pourraient s’entendre si la cote d’alerte n’était pas dépassée depuis belle lurette. Qui, sans posséder les codes, est capable de comprendre spontanément ce que recouvrent les expressions « décorrélation du point d’indice », « mobilité douce » ou « mineurs non accompagnés » ? Sûrement pas le vulgum pecus, « les gens qui fument des clopes et roulent en diesel », comme dirait l’ex-porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux. La novlangue, à laquelle, balayons devant notre porte, il arrive à « La Gazette » de s’adonner, tue à petit feu la langue française. Elle enferme dans une tour d’ivoire. Pire, elle creuse la fracture sociale qui sévit dans les services des collectivités. Comme le redoutait déjà voici quelques années Manuel Valls, la parole publique est bel et bien en train de devenir une langue morte.
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Service public : les ravages de la novlangue
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